Mulholland Drive, en réception

Mulholland Drive, Lynch David, 2001, Spectator experience

/// Trois articles seront consacrés à ce film. Tout de suite, vous ne trouverez pas d’exercice critique ni une énième analyse, plutôt un travail depuis l’expérience de spectateurs.

—Cette petite recherche a été réalisée à partir de retours depuis mes environnements directs, proches, cercles plus éloignés, lectures d’articles de presses spécialisées ou non, blogs, et « Sens critique« et ses 35 pages de Critiques spectateurs MD

⊙ NB/ Pas de contre indication pour celles et ceux qui n’ont pas, encore, vu ce film.

Être spectateur

Entre aporie et évidence

◣ Depuis la réception, le contexte de cette dernière, la prise en compte de la temporalité, la (les) pression sociétale, la (les) manière d’y remédier ou de s’y plier, la (les) volonté de comprendre, la (les) quête, attentes, désirs… être  spectateur, ça commence comme cela.

// Ne soyons pas intimidés par ce rôle essentiel au cinéma, ne craignons pas les jugements.

↛ Nous sommes soumis à des règles conscientes, souvent mal vécues, et à des logiques de domination inconscientes, intégrées, rejetées.

La loi ? 

▾ Pourquoi parler de loi ? Être spectateur c’est se soumettre, parfois, à quelques contraintes mais aussi parce qu’en acceptant ce rôle, nous changeons d’endroit.

¨¨¨¨Nous sommes situés, désormais, aux confins d’un monde confus, aux frontières diffuses, d’où un brouhaha et une glose, sans fin, ne cessent de surgir.

• A y regarder d’un peu loin, le cinéma serait cet endroit de partages, de dons, de réceptions sans loi, sans foi ?

◦ En s’approchant un peu plus, on saisit, parce que tout ou presque est fait pour, que des figures détentrices d’autorité appliquent des normes, créent des bords, des fonds, des précipices, des antres difficiles d’accès aux proportions souvent monstrueuses voire pharaonesques. C’est bien là que nous résidons, temporairement.

∘ Le cinéma peut faire figure de temple où l’on célèbre des messes. Sommes-nous des sujets au service de ? Et c’est aussi par ici que certains se veulent disruptifs, avec cette volonté cassante de rejeter la cinéphilie (école) en bloc pour ce qu’elle peut caractériser comme degrés de soumission et d’aveuglement.

◔ Qui fait figure d’autorité et au regard de quoi ?

⁃ Le cinéaste, les « gens du cinéma », les institutions, les prescripteurs, les communautés de fans, la société ?

// Le cinéaste possède une écoute relative de la part des publics, soit celle-ci s’inscrit dans un processus d’identification naturelle: je veux ressembler, comprendre, rassembler, faire partie de ce tout soit le regard que l’auteur porte sur son travail ne trouve que très peu d’écho chez les publics.

Une histoire d’amour dans la cité des rêves – David Lynch à propos de Mulholland Drive

◑ D’une part parce qu’il s’agit de cinéma, la place de l’auteur y est hautement discuté en fonction de ce que l’on met dans « Cinéma », d’autre part, l’adresse n’est pas facilitée. Le cinéaste s’exprimera sur des médias spécialisés, culturels, intellectuels, qui,  ne touchent pas une large audience. Sa parole est pour les fans, pour les élus, ce qui peut engendrer un rejet supplémentaire par un public non expert et une taxation « d’élitiste » d’un film. Comme c’est le cas pour Mulholland Drive.

La responsabilité des multiples prescripteurs est réelle. Les prescripteurs officiels et officieux ne sont pas toujours en accord, certains tiennent à leur indépendance, réhabilitent des œuvres, refont l’histoire, créent des passages. Il s’exerce une véritable lutte des pouvoirs, des savoirs. En effet, un film peut, à terme ou à un moment de son existence, devenir culte voire cultissime (pour reprendre la formule utilisée par un fan pour Mulholland Drive).

▴La question de la communauté « cinéphile » et du rapport que l’on entretient avec elle va de pair avec la place qu’on pense y occuper. Sommes-nous intégrés, reconnus par nos pairs, existons-nous de plein droit au cœur de ces communautés ou de ces publics dits cinéphiles ? Ou à l’inverse, notre endroit est moins sûre et nous avons l’impression d’être regardé de haut.

‣ A quoi cela tient d’être cinéphile ? Au nombre de films vus ? A l’éclectisme de nos choix ? A ce genre cinématographique dont nous avons choisi de porter le drapeau ?

• Le cinéma, comme industrie, pose cette question, celle de la consommation culturelle et de l’aire qu’il accorde à ces « consommateurs ». Il reste, néanmoins, source de distinction.

⓵ Mulholland Drive est-il un film pour fans ?

▾ Il peut se déclencher un véritable raout sur un film, nous pouvons assister à des combats titanesques ou exagérés, c’est selon, sur la compréhension certaine, vraie, vérifiée d’un film. Nous pouvons être extérieur à cela et tenter, cependant, une approche. Un film est toujours à appréhender comme des portes ouvertes.

—-Un spectateur admettra avoir visionné le film plusieurs fois et s’être vu tout noter, lire au ralenti, sur pause, le plus possible pour ne rien rater, aucun détail. Une autre avouera s’être infligée six lectures sans être parvenue à la compréhension de quoi que ce soit mais en se justifiant et montrant sa détermination voire sa capacité à produire des efforts.

Il serait bon de tranquilliser nos rapports à la culture, au cinéma.

⃣  Être fan serait cet accès VIP à une filmographie ? Pour certains, un tout permis pour l’occupation tout terrain d’un sol dont on pense maîtriser tous les aléas et sur lequel nous pouvons, même, avoir un contrôle. Être fan c’est aussi s’autoproclamer et s’autoriser un pouvoir.

∙ Le fanatisme au cinéma se définit par plusieurs degrés d’adhésion, des cercles de plus en plus restreints qui instituent des hiérarchies dans le niveau de connaissances donc d’expertises détenues. Qui est prêcheur et qui est adepte ?

⊿ Ils se rank, se notent, relèvent de Level, bref, la mise en concurrence dans ce qu’elle peut produire comme pire. Mais c’est aussi un mimétisme, ils imitent les chemins de l’institutionnalisation, ceux qui apportent le Graal de la reconnaissance, la légitimité: les structures/prescripteurs officiels.

Mulholland Drive peut effrayer à l’aune de ces superlatifs mais le film n’use pas de condescendance.

◦ L’accès à ce film est devenu escarpé en raison de sa cohorte de fans et de ces multiples preuves d’addictions fusionnelles, ce film est aussi victime, non pas de son succès, mais de l‘aura du vocabulaire qui l’emprisonne, l’empoisonne, qui l’hystérise.

△ A partir de la lecture des fans et la légitimité de leur parole, nous pouvons donc trouver un écho chez les prescripteurs officiels. Qui a commencé ? Le film se voit adoubé, sacré, un passage obligé, une obligation culturelle à laquelle il conviendrait de se soumettre sans broncher. Dès lors quel plaisir de la découverte ? Et quelle expérience faisons-nous d’un film en ces conditions ?

◘ Le hic est grand. Comment, alors, parler d’accès à un film alors que ce n’est plus un film mais une « légende », une signature quasi héroïque de son cinéaste ?

Le mépris, tout doucement, mais certainement, s’installe, avec lui, des aberrations.

Étonnamment, lors de sa sortie, ce film n’a pas tout raflé sur son passage, ses récompenses cinématographiques sont:

◘La temporalité fera le reste en désignant ce film comme le sommet de la carrière de David Lynch. Tout en gardant à l’esprit le fait que cette expérience cinématographique peut longtemps nous hanter, c’est grâce à de curieux processus que ce film est devenu un objet de fascination hypnotique.

/// L’expérience de la salle

◓ La disposition du regardeur, grâce à la mise en place de différents accès (multiplication du nombre d’écrans, nombre de séance/jour), est une approche essentielle. Ces conditions doivent être créées pour s’assurer l’optimisation de l’expérience.

▀ Au delà de l’état dans lequel nous sommes lorsque nous entrons au cinéma, le lieu lui-même et tout ce qui s’y illustre peuvent venir aider, gêner, asseoir, martyriser un film et implicitement, l’expérience qui en résulte peut tourner au gaspillage pire au cauchemar. Cette relation au film est précieuse, la salle est son écrin.

◌ La part du « moi social« : je me regarde en train de regarder, exerce des pressions plurielles sur nos frêles épaules. A cela s’additionnent vos autres parts de responsabilité: celle du prescripteur (vous avez convié quelqu’un à regarder ce film avec vous), du spectateur (vous et votre envie, cinéphilie…). Au cœur de cet étrange dispositif quelle est votre marge de manœuvre ? (vous pouvez toujours mentir, sortir) Quelle assurance est la vôtre ? (le nombre et/ou la qualités des prescriptions)

⓶ Mulholland Drive met-il au défi ?

Qui peut tenir ce face à face ? Aller au cinéma voir Mulholland Drive c’est se mesurer au film mais aussi à soi et surtout aux autres.

—-Je suis face aux autres, gênée par ma supposée ignorance, par de mauvaises expériences cinématographiques, par des rencontres manquées, marquée par des agacements, c’est la rude vie des spectateurs

⊙ Pour autant, aucun film ne peut se prévaloir d’être un outil de mesure de notre intelligence. Cette expérience ne fonctionne pas autour de « j’ai compris »- je dois comprendre- je n’ai rien compris. Ne nous plaçons pas dans l’obligation de tout saisir et surtout tout de suite.

◖ La vie, vous l’avez, très certainement, déjà compris peut être une succession de choses qui requièrent un laps de temps long pour être reçues. Prendre du recul, de la distance pour mieux sortir de l’hyper focalisation du sens à tout prix est un conseil avisé de lecture.

⓷ Mulholland Drive est-il un ovni ?

▕ Peut-être, suis-je en train d’aggraver son cas mais…Cependant, certaines critiques se sont mises, parfois, d’accord, un peu trop, sur les qualités plastiques de ce film. La terrible et fameuse histoire du fond et de la forme où il serait encore question de pouvoir et de hiérarchie.Mulholland Drive serait du contenant supérieur enveloppant du contenu banal.

____Questionner la perception d’un travail passe par ces éléments ? La plasticité, la beauté, le caractère formel de Mulholland Drive, sert de prétexte à l’appréciation.

▫ Le spectateur n’est pas inactif mais peut être tenu éloigné par un objet de fascination, de culte.Et en être tenu responsable, comme si cela reposait sur un choix. De plus, un film ne relève pas des arts plastiques, Lynch, lui-même, refuse les frontières entre les arts. Les moyens d’entrer dans ce film sont diversifiés: la musique en est un, les plans, la nuit, les personnages, les visages, les lieux, les couleurs…

░ Un film ne vient pas de nulle part, il s’ancre dans un processus, il emprunte des voies. Il naît et provient d’un système racinaire complexe, la culture de son auteur. Lynch n’est pas que cinéaste, il est également peintre, photographe et musicien, passionné par la peinture de Francis Bacon.

Rétrospective F. Bacon Pompidou

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▚ Qu’est-ce qu’un film « beau »?

Depuis sa photographie signée par Peter Deming en passant par l’exceptionnelle bande son, nous pouvons nous demander si la beauté n’est -elle pas, ici, réunie. A cette culture de l’emphase répond une très grande maîtrise et exigence de chacun des protagonistes. Peter Deming avait déjà signé Lost Highway du même Lynch en 1997. Badalamenti est un narrateur double de la filmographie du cinéaste. La direction des comédiens, les performances de ces dernières, notamment, contribuent à la rigueur de l’ensemble.Le travail de cette équipe peut-elle se résumer à une conception de la beauté ?

Mais est-ce de beauté dont il est question ? Une beauté fictive, fictionnelle mais cette histoire permet-elle d’être reçue avec des critères esthétiques. Est-ce une belle histoire ?

David Lynch n’est pas avec Mulholland Drive, c’est même son avant dernier film sur une filmographie qui compte 10 longs métrages et 24 courts métrages (1967- 2020) sans compter ses séries et toutes ses contributions.

Longs métrages
  • 1977 : Eraserhead (Labyrinth man pour sa sortie en France)
  • 1980 : Elephant Man (The Elephant Man)
  • 1984 : Dune
  • 1986 : Blue Velvet
  • 1990 : Sailor et Lula (Wild at Heart)
  • 1992 : Twin Peaks: Fire Walk with Me
  • 1997 : Lost Highway
  • 1999 : Une histoire vraie (The Straight Story)
  • 2001 : Mulholland Drive
  • 2006 : Inland Empire

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La lenteur, pour excuse, est souvent citée dans la réception du travail de David Lynch au regard de la difficulté à regarder ses films. Un autre reproche est formulée dans ce rapport au temps avec les adjectifs « démodé », « ancien », « antérieur ».

➝ Qu’est-ce qu’un film lent ?

◽ Quel est notre conception du temps ? Combien de minutes un film devrait, idéalement, durer ?

// Ce qui est surprenant c’est que l’histoire du cinéma nous montre que les cinéastes, qui prenaient leur temps, ont signé leurs œuvres les plus grandioses, les plus magistrales. Ceux qui s’autorisaient de long moment de silence, on peut penser à Marnie d’Hitchcock et cette séquence muette du vol de plus de 2 minutes, ont fait preuve d’une très grande ingéniosité dans le récit.

Le western en est un bon exemple, Le bon, la brute et le truand s’étire, par exemple, sur près de 3 heures en version longue.

○ Des films comme Apocalypse Now Redux (3 heures), Il était une fois en Amérique (221 minutes) abondent en ce sens: l’étirement du temps est nécessaire à la narration. Que dire de 2001, L’Odyssée de l’espace et ses 149 minutes révolutionnaires qui modifièrent, pour toutes les années à venir, les films de science-fiction/Anticipation.

▼ L’incompréhension est une façon de se disculper. Pour celui qui ne comprend pas et pour celui que cela arrange que l’autre ne comprenne pas. Avons-nous tout à comprendre ? Sans compréhension sommes-nous privés d’accès ? Pourquoi des clés seraient nécessaires ? Quels regards portons-nous sur cette « obligatoire compréhension »?

● Déjà, dans les éléments de malentendu émerge « un ensemble qui ne fonctionne pas », « une fin qui ne livre rien », de plus, la division de l’histoire en deux parties gênent, dérangent. Le film est présent, accessible depuis tous ses supports mais c’est bien dans ce regard que nous portons sur nous-mêmes que nous sommes les plus impitoyables. Le stress de l’incompréhension parasite toute la découverte et noie toutes les lectures. Sortez de ces pièges, au plus vite.

// Un film ne se consomme comme un jeu vidéo, ne se reçoit pas telle une leçon d’apprentissage avec des niveaux à atteindre pour accéder au palier supérieur. La mise en suspens du récit comporte à elle seule des indications temporelles et spatiales. Il n’y a rien à trouver, à chercher pour recevoir et apprécier. Vous perdez votre temps. Et ce n’est pas l’impression d’avoir trouvé qui sera gage de victoire mais bien une façon de se laisser aller au récit, emmener dans ce rêve. Ce film interroge votre capacité à partir, à rêver donc à accepter ses incohérences.

//Pour ses défenseurs, le rythme de Mulholland Drive permet au film de coller à la peau.

⓸ Mulholland Drive est-il un film hanté ?

⌘Quel échos, résonance émotionnelle, quelle place pour l’intime ? Mulholland Drive vampirise, phagocyte les zones, d’arrêt, de non-droit, dérouillent et déverrouillent les issues à sa guise.

La place de sa musique

• Dans toute sa filmographie, la musique est prépondérante. La partition de Badalamenti peut renvoyer à des imaginaires issus de Twin Peaks, par instant, elle plante un tel décor qu’il est difficile d’en réchapper sans souvenir.

┑ L’écoute de la bande originale peut vous permettre de découvrir ce film, d’entrer dans ces images mentales. C’est ainsi que j’ai procédé lors de sa sortie en salle en 2001. Par connaissance de Lynch et de sa faculté à me secouer, à me vulnérabiliser, c’est d’abord par crainte puis, j’ai beaucoup écouté cette musique, c’était comme cette clé bleue, une invitation répétée à entrer et une façon de me familiariser.

// Un film s’inscrit toujours dans un contexte de réception, 2001 est l’année de sa sortie, soit l’an I du XXI siècle. La transgression du récit, sa noirceur étrange, le recours constant au rêve s’interpénètrent dans une époque qui fait office de transition, de rupture entre « ancien monde » et « nouveau monde » à l’aune des fantasmes associés au changement de siècle.

⓹ Mulholland Drive est-il supérieur ?

‣ C’est souvent la place prétendument occupée par ce film au regard de la filmographie du cinéaste, de l’avis des cinéphiles, des critiques, comme des prescripteurs.

A quoi est-ce dû ?

• A la grande excitation que ce film a produit, beaucoup de passions dans les discussions autour des pistes à emprunter, trop d’énigmes à résoudre. Un film qui s’est vu réduit à un jeu de piste qui peut occuper le spectateur mais qui peut tout autant l’ennuyer en le laissant sur le côté. Il semble aussi convenu de résumer l’entièreté d’une carrière à un film. Il serait Le film de Lynch à voir au moins une fois dans sa vie. C’est en cela une erreur.

◦ Rien n’est à jeter ni à trier dans la carrière du cinéaste, depuis Elephant Man, Twin Peaks, Sailor et Lula, en passant pas l’expérimental Eraserhead, les Freaks sont à l’honneur. Nous conviant à reconsidérer notre rapport à l’autre, à la monstruosité de notre regard, à la violence que ce dernier engendre et finit par faire dégénérer. Il est important de reconnaître que Dune était un film de commande dont Lynch aura du mal à assumer la paternité. Par ailleurs, je n’ai pas vu Une Histoire Vraie ni Inland Empire. En revanche, vous pouvez découvrir ici ma relation de spectatrice avec Lost Highway

⃣ Le cinéma dans tout cela ? Art populaire, divertissement, 7 ème art ? Que répond Mulholland Drive au regard de ses spectateurs ? C’est là que la guerre se déclare.

// Avec ce postulat, la nécessaire supériorité de l’œuvre s’accompagne de l’obligation d’une notice de lecture. Il ne permettrait pas d’autonomie à l’expérience. Quelques cinéphiles s’insurgent de cette dépendance à la compréhension. Mulholland Drive cristallise, alors, une forme de mépris pour l’art contemporain. Élitiste, cérébral, intellectuel, mental… Le film serait une supercherie, lent, bavard, comprenant trop de plans. A l’instar d’une arnaque, il est reçu telle une imposture parce qu’il semble impensable que l’on ne puisse pas comprendre et qu’en ce sens il n’a rien de supérieur. De plus c’est un film qui subit ses superlatifs et qu’on impose.

⊙ Sa grandeur lui est immédiatement refusé et les publics/fans du cinéma de Lynch sont affublés du nom de « nerds ». Des remarques quant au manque de divertissement du film sont faites. En outre, une forme de racisme se couple au sexisme lorsqu’il s’agit d’aborder les amours saphiques des deux protagonistes. Enfin, malgré la prédominance d’une admiration, un sentiment de grande frustration émane de quelques critiques.

Qu’est-ce qu’être réalisateur de Mulholland Drive ? 

Lynch, sur ce film, est à la fois scénariste et réalisateur. La question de la direction des comédiens est souvent évoquée comme une réussite, les mises en récits prennent ou sont rejetées. « Un tout ça pour ça » est donné à être lu avec l’idée de contrer les éloges. Un coup de massue est donnée lorsque des spectateurs schématisent l’enchaînement des scènes, parfois avec une grande vulgarité, pour démontrer une pauvreté scénaristique.

Mulholland Drive, film-série ?

◄ Tentons de comprendre la difficulté des situations qui se sont imposées au cinéaste: une série ou un film ? Les choix de montage trouvent leur place mais quelle compréhension de ces parties avons-nous et pouvons-nous avoir ? Car quelle en est notre acceptation ?

❒ Ce film nécessite de faire quelques recherches pour le situer. Pourquoi ce récit est coupé en deux et l’est-il vraiment ? Est-ce fait à part égale et avec quelle subtilité ?

▿On ne peut qu’imaginer la transformation qu’a du subir Mulholland Drive en raison de cette modification d’ADN: une série n’est pas un film et inversement.

▿Nous le savons que trop bien, en prenant appui sur Twin Peaks, les deux saisons nous ont pressé puis laissé seuls et puis le préquel, promesse narrative magnifique, les derniers jours de celle avec qui tout a commencé…Twin Peaks, Fire Walk With Me ne parvient pas à approcher la série ni à la nourrir et il ne se suffit pas à lui-même.

▿Pour Mulholland Drive, sommes nous otages de cette prise de décision des studios ? Ce film serait donc raté, avorté dans sa forme première, re-ingurgité pour le format cinéma.

▿Le cinéaste lui-même propose une correspondance avec nous mais quelle confiance avons-nous en David Lynch ? Quelle relation avons-nous avec lui ?

▿Lynch est un cinéaste de la fidélité, à ses univers, à ses équipes et à ses publics. Donc à défaut de convaincre les studios, c’est à nous qu’il s’adresse. Grâce à ce montage, Lynch a souhaité nous démontrer la pertinence de son sujet. Une version adaptée pour nous donner à rêver le monstre Mulholland Drive en série.

▿Combien de regrets pouvons-nous avoir… Nous pouvons presque l’entendre nous dire : »Vous imaginez si j’avais eu les moyens d’en faire une série ? Quel serait votre degré d’hystérie ? Où en seriez-vous aujourd’hui ? »

▿Cette idée de passage, en 2001, soit 10 ans plus tard, vient raviver les fans de la 1ère heure, ceux de Twin Peaks. Nous avons grandi et, avec le concept de cette nouvelle série, Lynch nous conviait à être les prescripteurs de ses mondes pour ceux qui ne le connaissent pas.

▿Il est certain que nous aurions répondu présents en grand nombre. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater la dimension cérémoniale réservée à l’accueil de la saison 3 de Twin Peaks, authentifié évènement de l’année en 2017 avec cet ENFIN qui sonnait comme une libération, après 25 ans d’attente, d’absence. Et Quel retour, 11 ans après son dernier film.

▿Pour terminer, la structure du récit de Mulholland Drive trouve un écho dans les autres créations de David Lynch.

« Son refus d’une narration linéaire semble ainsi avoir contaminé, à première vue, cette nouvelle mouture de Twin Peaks, où semble régner d’abord une très grande confusion, avant que le tableau, par touches successives, ne commence à prendre forme. Car Lynch, qui a conservé la quasi-totalité de l’équipe des premières saison, du chef op au régisseur, semble avoir toujours un coup d’avance sur la concurrence. Jeu des acteurs, savant agencement géométrique de l’espace, fulgurances poétiques, répétition et différence. « Le Point- DL TP

 

Isabelle Pompe L, en histoire d’amour, 14 février 2021

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