Vous vous êtes-vous, déjà, demandé quel rapport entretenez-vous avec De Palma ?
Cinéaste flamboyant pour certains, inféodé, mineur pour d’autres, et parfois, quelques spectateurs, un peu goguenards suite à un visionnage dont ils ne se sont toujours pas remis, vous diront, De Palma, c’est un Grand!
Pourquoi ? D’une voix un peu chevrotante, vous osez demander. Parce que, vous répondra, celui- celle, sans distinction: Scarface, Carrie, Blow Out, L’Impasse.
D’une manière moins offensive, vous entendrez, toutefois, des applaudissements, pour Les Incorruptibles, The Body Double, et dans une autre mesure et pas sur le même pied d’égalité: Furie, Mission Impossible (le 1er) .
Nous avons, vous l’aurez presque compris, tous et toutes, notre De Palma.
Un film manque dans ceux que je viens de citer, « spectaculaire »: PHANTOM OF THE PARADISE.
Ce titre, c’est la porte par laquelle je suis entrée dans l’antre hanté de De Palma. J’ai eu beaucoup de mal à en sortir ne souhaitant laisser ma place à quiconque.
Quitter des yeux cette « chose », vous n’y pensez pas!
Pour cet article, notre attention sera portée sur Phantom of the Paradise, Carrie, Blow Out et l’Impasse, dans un ordre ou dans un autre, en se concentrant sur notre expérience de spectateur.
Pas toujours au mieux avec les superlatifs, la filmographie du cinéaste reste très à son aise avec tous les synonymes de l’excès: Un petit tour par CRISCO et son DES (Dictionnaire Électronique des Synonymes) pour s’en convaincre:
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Commençons par une entrée dans la matière inventive du vif sujet, un Blow Up spécial De Palma histoire de faire se croiser nos regards de fans, spectateurs, défenseurs, d’un ou plusieurs de ses films ou de démontrer, peut-être, à ceux qui ne nous croient, toujours, pas, que la violence, le sang mais aussi la technique sont autant de préciosité…
De Palma, a, souvent été dévalorisé, sous-estimé. Placé entre deux Autres, Scorsese et Coppola, soit entre l’aristocratie et la noblesse, De Palma fait figure de bourgeois.
Hiérarchiser semble être une pratique incessante, trouver des maîtres, les instituer puis tout verrouiller.
Nous avons conscience que Le Parrain (le 2 pour préciser) et Raging Bull (Scorsese) ne sont pas au même endroit cinématographique que Scarface, quoi que.
Sans recréer de chimères entre les protagonistes, certains ajoutent Spielberg comme compagnons de route.
THÉÂTRE NOIR
La rétrospective, De Palma, à la Cinémathèque de Paris en 2018, a, peut-être, permis quelques modifications dans les points de vue, réajustements de postures, réglages vis à vis de cette mécanique de nivellement, plutôt bien huilée, qui sévit sur le cinéaste…
Sir Alfred & Brian
Nous allons tenter d’être honnête quant à la relation entre De Palma et Hitchcock, nous pensons, je ne suis pas seule dans ce cas, que cette supposée dévotion, non sans quelques euphémismes, n’a d’égale que la relecture d’Hitchcock dont De Palma nous a gratifié.
C’est lui qui réintroduit, dans la culture cinématographique populaire, un regain profond d’intérêt pour le maître du suspens. C’est encore lui, pour les générations qui suivent, qui se fait passeur de la redécouverte d’Hitchcock en nous indiquant le chemin à suivre.
« Né en 1940, Brian De Palma fut lui-même ce garçon solitaire et obscur, capable de construire un ordinateur et de remporter un concours. Sa carrière scientifique fut dévastée par un film : Vertigo. « Un univers complètement fermé. Il capturait vos émotions et votre esprit. Incroyable. »source
Supercut de Peet Gelderblom / mise en parallèle la scène de la douche de Psychose avec les plans de De Palma
Hitchcock – Le pur Cinéma
(1899/ 1980)- Plus de 60 ans de carrière, 53 longs métrages. Surnommé « le maître du suspense », il est considéré comme l’un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique. Il est pionnier de nombreuses techniques dans le genre cinématographique du thriller. À ses débuts, Alfred Hitchcock, en dehors du cinéma, est très influencé par le théâtre.
Ses tout premiers films sont en effet pour la plupart des adaptations de pièces. Il confiera par ailleurs souvent l’écriture de ses scénarios à des auteurs dramatiques à succès. Il est également très friand de littérature policière et de mystère (Poe figure entre autres parmi ses auteurs préférés) [……………..]
BLOOD & SOUL
C’est l’histoire d’un soir timide, nous assistions, candide, à un tête à tête avec l’écran familial lorsque ce face à face avec l’intime tourna au cauchemar.
Le portrait douloureux d’une adolescente nous est raconté. Obscène, maladif, il se déplie autour du même nœud chromatique. Les premiers émois, les menstruations, un matriarcat sans pitié, la jalousie, la cruauté et beaucoup, beaucoup d’autres thèmes.
Âmes sensibles s’abstenir ? La scène du bal peut engendrer répulsion /fascination.
Vous en avez, pourtant, vu de toutes les couleurs dans l’histoire du cinéma, non?
Carrie, au bal du diable, c’est Sissi Spacek et c’est aussi une autre grand prix en 1977 au Festival du film fantastique d’Avoriaz, après celui obtenu, en 1975, par Phantom of the Paradise.

Carrie est reconnu comme l’un des films les plus influents du cinéma américain.
Peu de temps plus tard, tandis que vous vous trouviez plongés dans de sinistres méandres, vous croisez la route d’une bien curieuse destination. Vous vous dites, quelle belle promesse ce paradis !
L’affiche a beaucoup changé au fil du temps, des temps, vous n’avez pas connu celle de 1975, faute d’être née, vous avez le souvenir d’une très colorée et puis d’autres éditions ont fait leur apparition.
« La France avait eu la primeur d’une édition Blu-ray de Phantom of the Paradise en 2009. C’est désormais Carlotta qui en a repris les droits, utilisant par la même occasion une restauration 2K plus récente, éditée en Angleterre puis aux États-Unis en 2014.
D’une manière générale, le film est aujourd’hui proposé dans un rendu beaucoup plus fidèle à l’expérience « salle » qu’auparavant. »DVD

Phantom of the Paradise, serait cette exception qui viendrait infirmer toutes les règles, vous ne vous y attendiez pas, un saisissement plus tard, frissons d’un amour improbable.
Cette histoire polyphonique trouve son origine dans une vision déformée mais contemporaine du mythe de Faust (destin en âme damnée sur fond de pacte avec le diable).
Le titre vous conviant librement à entrer dans le Fantôme de l’Opéra (roman de Gaston Leroux), vous y trouverez, également, Frankenstein (Mary Shelley) et Le portrait de Dorian Gray (Oscar Wilde). Vernie, servie en littérature à la lisière du fantastique, gothique et philosophique, vous vous sentez parfaitement détendue…
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Si toutefois, votre esprit rencontrait quelques résistances, voici 5 « bonnes » raisons:
SCREAM & ACCIDENT
Blow OUT
Nous avançons de manière étrange dans le temps, un peu baroque cette narration De Palma, j’en conviens. 1977, puis 1975, nous sommes en 1981, désormais. Avant de vous remémorer ce souvenir, tenace, de spectateur,
Une bande annonce.
Blow Out, la technique pour personnage principal, un cri, une femme, des hommes, un soir, un parc, une élection présidentielle, un hibou ou une chouette, un pneu, un tueur, des victimes, une sacrifiée lors d’une scène -froid dans le dos-dont on se souvient si bien. Notre rapport au toilette publique a considérablement changé depuis.
Un De Palma, sombre, très politique et sans concession, boucle sonore, phonique et vibrant.
Les images forment des bruits, les sons produisent des miroirs, les ombres portent leurs voix.
Un voyage expérientiel, sensitif et intense qui constitue le début de mes obsessions du détail.
- Si vous ne percevez pas le sentiment de culpabilité de Jack et que vous ne faites pas le lien avec celui de Scottie dans Sueurs Froides (Vertigo– Hitchcock),
- Si vous ne voyez pas dans Blow Out, un lien direct avec Blow Up (Antonioni) pour son titre mais aussi pour son rapport au cinéma, le son et la photographie,
- Si vous ne percevez pas, en épais filigrane, l’âme de Conversation Secrète de Coppola…(Un article est prévu pour ce film prochainement)…
Un peu d’images


……Alors, programmez-vous quelques visionnages pour les temps à venir…..
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La présence du double, circuit alternatif, transposition, insert de vérité, dans ce film, De Palma fait plusieurs allusions, avouées ou non, à la politique américaine :
- Assassinat de Kennedy,
- Accident de Chappaquiddick ( fait divers qui eut lieu le 18/07/69 dans la commune du même nom -Au retour d’une soirée, la spécialiste de campagne politique Mary Jo Kopechne, âgée de 28 ans, trouva la mort dans une voiture conduite par Ted Kennedy alors sénateur.Les circonstances de l’accident firent scandale et il eut d’importantes conséquences sur l’image et la carrière politique de Ted Kennedy)
- Scandale du Watergate.
Il cherche à montrer le cynisme qu’il peut y avoir à vouloir prouver la vérité à tout prix : Jack va jusqu’à mettre en danger la femme qu’il aime pour tenter de faire admettre sa théorie, théorie qui ne pourra jamais être dévoilée au public.
De cet instant authentique saisi par Jack, il ne restera, pour unique témoin, qu’un cri.
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Pour finir en beauté, cette création, pour Arte, de Jean-Baptiste Peltier
ŒUVRE NOIRE MAJEURE
L’IMPASSE
En 1993, (1994 en France) sort l‘Impasse, cynisme en or sur scénario de David Koepp.
Pacino n’emmènera pas Tony avec lui, peut-être au grand dam des fans de Scarface, non, l’Impasse n’est pas une suite.
Le film, tournant dans la carrière de De Palma, rend cependant un hommage à Scarface, à travers la boîte de nuit dans laquelle travaille Carlito Brigante, El Paraiso, le même nom que le stand de nourriture où travaillait Tony Montana au début du film.
Cette immersion shakespearienne chez les gangsters nous relate un temps sans temporalité.
Depuis un passé indélébile, il sera question de mirage, celui de penser pouvoir échapper à ses mondes premiers, et d’impossible changement.
Durant de 2h30, dont 30 minutes d’une course poursuite (film dans le film) dans le métro inoubliable…Ici, avec Grand Central!
L’impasse se vit avec intensité.
Les tensions, inoculées par des plans viraux, offrent, à peine, de la lumière à l’intime.
Peu de matière parvient à effleurer cette noirceur.
Lors de cette terrible leçon de fatalité, des visages se heurtent, couleur à saturation de rouge.
Mais les choix, qui n’en sont pas, exhortent la vengeance à se graver davantage.
C’est alors que la victoire semblait promise… Benny Branco, tout de blanc vêtu, dilate le temps.
- David Koepp est également scénariste de Mission Impossible (De Palma– 1996) et, entre autres, de Jurassic Park, Spider Man et Panic Room.
- La musique du film est de Patrick Doyle. On lui connait une collaboration fructueuse avec Régis Wargnier et Kenneth Branagh.
- Stephen H. Burum (collaborateur attitré de De Palma pour 8 films) signe la photographie. On lui doit, entre autres, celles de L’emprise (1982) et de deux films de Coppola –Outsiders (1983), Rusty James (1984)
Merci aux Cahiers du Cinéma d’avoir beaucoup œuvré, d’un point de vue critique, pour ce film en tentant de le ramener au premier plan grâce à votre classement dans le palmarès des dix meilleurs films des années 1990.
Un dernier détour vers Luc Lagier/Blow Up, faites attention quand même…
Isabelle Pompe L, Brian always, 18 février 2021.
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