The Conversation / The Offense

▼ Deux films dont on ne revient pas, tout à fait, semblable.

⌑ 1974 pour le 1er – 1972 pour le second. Coppola et Lumet.

▯ Prenons ces deux films comme des personnages de l’histoire du cinéma. Au milieu des injures et erreurs de cette dernière, ces deux protagonistes vont subir la foudre, seront envoyés sur la lune, vivront des hauts et des bas… A un moment, il convient d’être honnête.

○ Le cinéma n’a pas toujours raison de faire la peau à tel ou tel film. Il n’a pas, non plus, toute sa tête lorsque, incarné par les studios, il met à mort, d’emblée, certaine réalisation.

◾C’est peu dire, à l’égard de ces deux films, The Conversation et The Offense, que certains traitements s’apparentent à des injustices, véritable diatribe, qui nécessitent un rétablissement voire une réhabilitation historique.

⌘ De par leur titre, leur réalisateur, leurs comédiens principaux, leurs époques, soit de très nombreuses manières de remettre en scène ces deux interprétations filmiques, nous allons tenter d’entrer dans les matières de ces visions, mises en abîmes, moyens de narration.

 

▫ Ils ne se feront pas face, pas de battle dithyrambique, ici.

▤ Lorsque la privation de l’accès à la salle de cinéma est encore notre quotidien, faisons, en sorte d’honorer, avec dignité, les films!

 

Noirceur…NOIRCEUR

▪ Avec une mise en accès possible en 2007, en France… The Offense reste très peu connu. C’est l’histoire d’une condamnation pour parjure par les Studios United Artists, un film qualifié de barbare, terreur, cauchemar, nuit d’horreur.

▪ The Conversation sort en 1974 et se voit gratifié de deux sorties supplémentaires en 200O et 2010.

▢ Pour cet article, ces deux prestations cinématographiques seront observées depuis des points communs à toute création filmique. Leurs spécificités respectives apparaîtront au fil de cette approche.

░ L’idée générale étant de les positionner au même endroit de la réception, en tant qu’expérience de spectateur.

QUESTION DE DISTRIBUTION

▕ Une distinction terrible au regard des spectateurs pourrait être fournie comme alibi,

  • le sacre de la Palme d’Or au Festival de Cannes pour Conversation Secrète (the Conversation) 
  • l’impossibilité d’une rencontre, aux allures de sentence, soit une peine de 35 ans ferme, pour The Offense.

QUESTION DE PRODUCTION

The Offense – United Artists

▚ C’est comme une véritable sanction que la décision de la production de ce film fut reçue.

•Le résultat, d’un noir absolu, et la crainte que ceci porte atteinte à l’image de Sean Conneryégérie James Bond fit basculer le projet.

•Terrible quand on y pense. Alors que Sean Connery fut appelé à nouveau pour servir sa majesté avec les Diamants sont éternels, des clauses du contrat spécifiaient le financement de deux films par United Artists au libre choix de l’acteur.

•The Offense, film pour lequel il renonça à son salaire et dont il participa à l’écriture, est le 1er de ce contrat. Mais, par peur d’éventuel préjudice au regard des recettes pour Les Diamants sont éternels, The Offense fut bloqué et très mal distribué.

Durant 35 ans, The Offence ne fut pas diffusé en France, ni au cinéma, ni à la télévision.

▔ Pour la sortie du film en 2007, The Offence n’avait aucun visa d’exploitation. Le seul négatif existant était dans un état épouvantable et nécessita une restauration complète de 6 mois.

The Conversation – The Directors Company & American Zoetrope

▣ L’American Zoetrope, société de production de F.F Coppola & George Lucas, productrice du Parrain I et II, The Conversation et de THX 1138 et American Graffiti de Lucas.

Coppola produit également le film via la société The Directors Company, qu’il a fondé avec les réalisateurs William Friedkin et Peter Bogdanovic en association avec la Paramount. Ils ont produit Paper Moon (Bogdanovic) en 1973, The Conversation et Daisy Miller (Bogdanovic) en 1974.

QUESTION DE RÉCEPTION CRITIQUE

The Offense

◅Reçu par la presse comme un film mineur (Positif), un film de son époque ( Journal Le Monde)Le terme « œuvre » ne sera pas prononcé sauf à la toute fin de la critique de DVD Klassik qui s’ouvre, cependant, sur « le 1er grand film de Lumet »(source) Ce film mettra toute la direction (neuf personnes) de DVD Klassik d’accord en lui offrant le note de 9/10.

The Conversation

« Œuvre magistrale », « un film sombre et fort aussi profond qu’un conte philosophique », « Chef d’œuvre du cinéma américain » (Libération), « un film qui a toutes les qualités du meilleur cinéma américain : intelligence du sujet, virtuosité de la mise en scène, vigueur de l’interprétation. Un film d’une extraordinaire densité » (Le Monde), « film bien fait et remarquablement interprété » (Télérama)

QUESTION DE SUPPORTS

➝Sortie DVD- Ce dernier est très difficile à trouver, (uniquement chez Potemkine : source achat) je n’ai pu le visionner, uniquement, grâce à la bibliothèque de Sotteville- Lès-Rouen.  source

 

Pathé Éditions DVD et Blu Ray (idem commande chez Potemkine- attention dispo sur commande/ délai de 2 à 3 semaines) et visionnage, pour moi, depuis même bibliothèque)

QUESTION DE RÉCEPTION PUBLIC 

★ Critique spectateur The Conversation

➛ Avec une note globale de 7,6, « sens critique » place le film comme incontournable. Avec 7 pages de critiques, où le sens est encensé d’une part pour l’effet de surprise qu’il engendre dans la filmographie de Coppola, pour Coppola lui-même qui possède un  grand nombre de fans, La trilogie du Parrain en tête.

➛La lenteur de The Conversation est avancée comme frein à l’appréciation globale du film, « moyen » , « légère déception pour une Palme d’Or », la performance de Gene Hackman est quasiment systématiquement citée, « l’univers trop froid, trop désincarné laissant peu de place à l’émotion » est regretté, comparé à un « petit film« ,  « l’affiche vend un film banal mais par surprise, nous sommes pris par l’intrigue ».

➛La question du rien (où il ne se passe rien) est un argument soit favorable soit  » tout est réuni pour créer une tension presque insupportable, un suspens déroutant : le silence, les sons stridents, la rare musique, le comportement des personnages… Mais il n’y a rien. Aucune tension. On attend désespérément que quelque chose, n’importe quoi, se passe et crée un peu d’intérêt. Mais non, deux heures de faux suspens décevant qui mènent à…rien. »

——-

★  Par cet article, je donne de la voix à The Offense. Elle s’additionne à quelques autres postées depuis sens critique « impressionne » « amène une redécouverte du cinéaste » – » Quelle noirceur« , « rôle démentiel pour Sean Connery »,

« •Un excellent thriller psychologique qui permet de découvrir Sean Connery (James Bond) sous un angle qui était passé jusqu’ici inaperçu. Il est accompagné dans cette tâche par deux autres vedettes tout aussi surprenantes, jamais vues sous un angle totalement identiques, et dont on fait peu de cas tant l’histoire s’attache à Johnson: Peter Bowles, célèbre figure de méchant type bondien du petit écran qu’on a pu voir dans Chapeau Melon et Bottes de Cuir et Trevor Howard, connu la même année pour son incroyable réincarnation de Richard Wagner dans Ludwig, le Crépuscule des Dieux.
Un film choc qui fait se changer la conception de la morale de son protagoniste. »

• »Et grâce à une réalisation oppressante très centrée sur son protagoniste principal, on sera malgré nous plongé dans son intimité et on assistera impuissant à son attitude détestable avec sa femme, entraîné dans ses pensées les plus sombres et malsaines.
The Offence est un film répugnant, dérangeant et sordide qui une fois terminé vous fera réfléchir. « 

QUESTION DE TITRE

➳ The Conversation: La conversation

☤ Sur écoute, les discussions se réaliseront. Captées, enregistrées, archivables, pouvant être utiles ou servir comme éléments d’investigation, de pression et de preuve.

•Le titre comme indication ? Ce titre pourrait se présenter comme la tentative de définition de ce que peut être le fait de parler, d’entendre, de comprendre et d’échanger, donc de converser. La conversation, dont il sera question, correspond à un extrait qui fait basculer le film. Tout autour, peu d’échanges arrivent à la surface.

-Mais La conversation prend une ampleur inattendue, de cette écoute volée, s’immisce la question de la conscience

•Cette conversation fonctionne comme un miroir irréversible. Ceux qui parlent d’un côté et ceux qui écoutent de l’autre, le supposé « temps social » face à « l’asocial ». Le duo qui fait corps dans la parole et se fait entendre par l’isolé, le reclus, le caché. Le public se fait piéger par le privé.

•Un questionnement sur la réception, la compréhension et la captation d’un langage. Une mise en doute de la parole et une mise à mal de l’écoute elle-même. A partir de cela, quelle vérité peut émerger ?

Depuis son rapport avec l’eau – la pluie/ L’imper transparent jusqu’à la salle de bain, The Conversation frôle l’âme de Psychose.

////

➳ The Offense: L’infraction

▵J’ai traduit The Offense par l’infraction, violation d’une règle. « Action ou omission expressément prévue par la loi, qui la sanctionne par une peine en raison de l’atteinte qu’elle constitue à l’ordre politique, social ou économique. (Il y a 3 catégories d’infractions : les contraventions, les délits et les crimes.)

◑Ici, le viol, la pédophilie, les méthodes policières, le meurtre d’un suspect, tout est Infraction.

▵La banlieue est à comprendre comme une infraction à elle toute seule, une mise au ban de la population, une sanction sociale.  De plus elle est territoire livide, sordide propice à commettre des infractions, notamment des vols, et se fait terrain de chasse pour les pédophiles.

▵Le couple, que forme Johnson et sa femme, va commettre une série d’infractions avec ses lois, ce contrat de mariage qui ne permet pas de donner matière au dialogue et place à la compréhension, mais surtout au regard de la violence en interne, conjugale.

QUESTION DE THÈMES ABORDES

The Offense

Une attirance pour l’horreur

▼ « La composition des inserts d’images des affaires passées tranche violemment avec les tons gris et verts du reste du film.Les couleurs en sont éclatantes, indiquant que ces images d’horreur sont plus vivantes dans l’esprit de Johnson qu’un quotidien vécu comme uniformément désespérant.Les couleurs vives, et le rythme hypnotique créé par la façon dont ces inserts brisent la continuité temporelle nous font comprendre que Johnson est irrésistiblement attiré par l’horreur. » source

▲ SOMBRES IMAGES

▿Images de morts, de violence, de suicides, de bébés en décomposition, de pendus, de tortures, de viols de petites filles. The Offense, c’est tout cela.

▿La toile de fond, la plus féroce, c’est la dénonciation de la pédophilie.

↳N’oublions pas que le contexte d’inscription de cette dénonciation se fait en 1972, alors qu’en France, dans les années 70 – 80, nous faisions l’apologie de la pédophilie: « Au nom de la libération sexuelle, nombre d’intellectuels et d’artistes ont défendu, après 1968, la pédophilie. Il a fallu que les victimes prennent la parole pour liquider ces discours. »source journal Le Monde

↳France culture source« La pédophilie n’a pas toujours été condamnée par les intellectuels français. À partir des années 1970, de nombreuses personnalités de tous bords politiques ont demandé, au nom de la liberté, que la loi permette aux adultes d’avoir des relations sexuelles avec des enfants. Une question d’époque ? »

La banlieue

▵Un vilain visage urbain, uniformisé et sans âme, où nous errons, condamnés. Punition humaine, purgatoire pour expier des péchés, critique politique acerbe de mise en retrait des populations, la banlieue comme l’incarnation du mal, du laid, comme la maladie de la ville. 

The Conversation

La ville

▵Trop grande, à l’architecture immense, colossale, trop vaste au sein de laquelle, il n’y a aucune protection ni intimité. Elle est désignée comme responsable de la perte d’humanité chez les hommes. Là où les gens sont anonymés, invisibilisés, réduits car massifiés, compactés, oppressés. Soumis à des règles qu’ils n’ont pas décidé, choisi, la ville comme empêchement et non comme possible.

▵La quête impossible de vérité

La corruption, l’ambition, le vol, l’homme commet beaucoup de péchés, l’orgueil d’Harry qui préfère travailler seul, la colère de ce dernier alors même qu’il s’insurge de ce qui s’est passé et que personne ne réagit. Le luxe et les moyens dont disposent les organes du pouvoir de cette grande entreprise face à la petitesse d’Harry, un seul contre tous.  

◤Ces deux films ont beaucoup en commun

▵Depuis la solitude de l’un (The Conversation) à l’isolement de l’autre (The Offense), l’impuissance des deux à faire éclater la vérité, la paranoïa, l’ impossible résistance, les tréfonds de l’âme, le soi, la question du viol (de l’intimité pour l’un avec le stylo micro dans The Conversation) et le viol de mineures pour The Offense.

▵Seule la traduction de leur crise de conscience prend une autre forme, l’éclatement de la violence (The Offense) et l’appel au secours pour l’autre par la reconnaissance de la vulnérabilité (The Conversation).

 

PETIT POINT
The Offense/ Sidney Lumet (réal) 1972 (année de sortie Royaume Uni )
United Artists/USA – Royaume uni John Hopkins (scénario)
Gerry Fisher (photographie)/Harry Birtwistle (musique) Sean Connery (interprète principal)
Année de sortie US: 1973 Année de sortie France: 2007- DVD
The Conversation/ F.F Coppola (réal) 1974 (sortie limitée)
The Directors Company/The Coppola Company/USA F.F Coppola (scénario)
Bill Butler (photographie)/David Shire (musique) Gene Hackman (interprète principal)
Année de sortie US : 1974 Année de sortie France : 1974
Distinctions Palme d’Or au FIF Cannes, Nomination Oscar du meilleur film 1975,
Ressortie en France: 2000- 2010 Éditions DVD & Blu Ray 2013 ( Pathé)

 

Introduction depuis Bande Annonce

Présentation en images fixes

The Offense

▻ La rencontre avec le nom se caractérise par sa verticalité.

•Dès sa bande annonce, c’est une entrée, dans le film, par la mort. Ainsi « Sean Connery » nous arrive au visage en lettre blanche, identique au drap mortuaire et au milieu de ce noir, rouge et gris.

•Ce cadre vertical, fait à partir des limites corporelles policières, est composé d’une porte et d’un mur pour unique ouverture. L’entrebâillement comme façon d’inviter à recevoir. Une main main qui retient l’ouverture pour faire entrer notre regard et laisser passer ce corps jusqu’au chiffre de cette porte 19. C’est du côté gauche de l’écran que se donnera à lire « Sean Connery« .

•Les lettres occupent le tiers de l’image, le prénom est avancé avant le nom de famille.

•Trois temps (règles de composition):

  1. Gauche avec indications plurielles
  2. Centre avec le passage du corps d’un endroit à un autre, d’un état à un autre – telle une invitation à penser cette antre comme scène de crime.
  3. Côté droit de l’écran opacifié par cette veste noire, ces trois boutons, l’aperçu d’une main et ce mur froid, gris en béton.    

•L’homme est formes et détails, mains, pieds, jambes, uniformes, chevelure mais ne possède pas de tête.

•La seule humanisation qui soit la sienne est celle de ce nom au générique, sans lien aucun apparent avec la scène.

•Le comédien perd son visage au profit d’une structure narrative symbolique où l’homme n’est que debout ou allongé, vivant ou mort, en marche ou à l’arrêt.

•C’est « Sean Connery » qui pénètre cet endroit, qui déborde ses frontières comme désigné par celui-ci.

•Ce nom, comme signature, touche presque le bas de page de l’écran, le sol où sont posées les roues de ce lit de mort. Une façon habile de nous préciser qu’il est responsable de quelque chose dans cette scène.

« Sean Connery » est un linceul. L’auteur de ce meurtre et celui qui accompagne le mort. Celui qui conçoit la mort d’un coupable comme seule justice concevable.    

////

The Conversation

►La lecture est horizontale. Gene Hackman est « Harry Caul », il donne chair et visage à son personnage, il lui donne la vie. La voix off vient préciser des détails sur la personnalité de Harry. Additions qui visent à démontrer l’importance capitale du détail.

•Le plan est serré, le visage n’est pas avalé par l’écran, la tête est tournée pour nous souligner l’attention dont doit faire preuve le personnage de Harry/Gene.

•Confusion entre personnage et comédien dans le but d’exprimer l’expertise technique dont le comédien/Le cinéma sait faire preuve ? 

•Les lunettes, la moustache comme instructions supplémentaires, l’absence de sourire, le visage fermé, d’où se dégage une impression de netteté et de sérieux. L’oreille droite pour nous, gauche du personnage, est soulignée.  

•Les couleurs clairs de la veste/imper, de la chemise apporte un contraste rigoureux entre les lunettes et la cravate.

•La teinte orangé fait presque figure distraction. L’épaisseur, le gras de la typo apporte le relief nécessaire aux lettres capitales.

•Le nom est en bas du visage, de moindre importance que celui-ci, mais qui sert à désigner à l’instar d’un titre ou encore d’un cartel pour une œuvre.   

——-

QUESTION D’INTERPRÈTE PRINCIPAL

SEAN CONNERY

◖La partition de Sean Connery est exceptionnelle. Il incarne un policier, Johnson, hanté par 20 ans d’expériences, tourmenté par la recherche de la vérité.

•Ce rôle singulier et unique, dans la filmographie de Sean Connery, nous dépose, sous les yeux, une maîtrise sidérante, une interprétation magistrale.

•A contre-emploi, pour certains, ou acteur courageux souligneront d’autres, Sean Connery Aka Johnson se reçoit telle l’expressivité, jusque là insoupçonnée, d’une douleur intérieure.

•Ce travail de composition vient faire exploser toutes les incarnations séduisantes et flegmatiques qui pouvaient, encore, coller à la peau de l’acteur. 

•Chaque scène, plan est marqué par les traits, les fissures du personnage, à tel point que l’acteur semble porter tout le poids du film sur les épaules.

•C’est à lui que nous devons l’origine du projet de ce film et quelle rencontre au sommet entre Lumet et Connery

« L’acteur a souvent déclaré que l’inspecteur Johnson était son meilleur rôle ».

•La collaboration entre Lumet et Connery a donné lieu à un drame antimilitariste avec La Colline des hommes perdus (1965), une satire noire sur le Watergate avec Le Dossier Anderson (1971), un suspense divertissant avec Le Crime de l’Orient-Express (1974) et une comédie dramatique avec Family Business (1989).

L’acteur met définitivement à sa carrière en 2004.

• Sir Sean Connery s’est éteint le 31 octobre 2020.

GENE HACKMAN

▵The French Connection, de Friedkin, sorti en salle en 71 aux USA et 1972 en France, film tourné pour un budget de 1,8 million de dollars, qui rencontra un important succès commercial et cinq Oscars et trois Golden Globes dont, à chaque fois, un prix  d’interprétation masculine pour Gene Hackman dans le rôle du détective James R. « Popeye » Doyle.

▵Hackman est à un tournant de sa carrière et enchainera les films de 1er plan. The Conversation s’inscrit dans cette lignée.   

—-

•Isolé, introverti, saxophoniste et grand spécialiste de la filature, Gene Hackman aka Harry Caul, se voit engagé, pour le compte d’un patron d’entreprise, pour suivre un couple et espionner leur conversation.

Harry est un “plombier”, un spécialiste de l’espionnage et de l’écoute téléphonique.

•Un jour, en écoutant la bande-son du couple dont il a enregistré les échanges, il entend une phrase qui, selon lui, contient la preuve d’un complot meurtrier. Un code Secret ?

•Le danger de mort, rappel immédiat à la conscience d’Harry d’une enquête précédente qui a mal tourné, va-t’il sonner le glas ? 

Au cœur d’une constance et persistance voire d’un acharnement se jouera une lutte morale, mensongère et prisonnière.

•Nous serons témoins de la maltraitance que subit cette question de la confiance.

•Harry, combatif et captif, va se concentrer, avec ferveur, sur son intuition.

•Des éléments concrets, tel que le vol de la bande, inscrivent Harry sur la liste des ennemis dont il faut s’assurer le silence.

•A l’instar de l’impuissance de Jack dans Blow Out, Harry nous invite à vivre cette tragique épreuve comme un combat de la dernière chance.

•Nous serons, intimement, conviés à assumer notre part de responsabilité dans la fixation de nos limites à la vigilance.

•Cette lecture politique et philosophique offre un cadre narratif superbe à un plongeon intime.

Coppola est inattendu, à l’instar de sa faste époque cinématographique, il dessine, au comédien, un rôle en or.

Les COMÉDIENS

La distribution d’ensemble

THE OFFENSE

Ian Bannen (1928-1999) compose le personnage de Kenneth Baxter, le suspect numéro un des viols.

• L’absolue certitude de Johnson quant à la culpabilité de Baxter, nous posera quelques doutes. En effet, il nous sera présenté comme physiquement hagard et épuisé.

• L’obstination de Johnson ne permettra pas au récit de, véritablement, se clarifier. Nous saisirons l’enjeu: Baxter est sa dernière chance pour s’en sortir afin de mettre fin à ces images terribles, aux viols, surdose de l’horreur.

• Tel un face à face avec la mort, ce duel permettra à Baxter d’agir comme un révélateur de l’âme meurtrie et torturée de Johnson. La violence, comme élément de réponse obligatoire, va déchainer Johnson qui prononcera ces mots:

Je lirai en toi, Baxter, à livre ouvert. Page après page. C’est là, écrit sur ton visage. Des lignes, des ombres, sur ton âme immortelle. Tes Yeux !!!

• Baxter incarne, à ses yeux, le Mal. Les actes sont l’expression d’un règlement de compte moral. La succession des gestes nous conduira vers une escalade de la violence qui ira jusqu’à la mort du suspect. 

—–

Ian Bannen donne toujours des performances remarquées, il sera proposé deux fois pour les (BAFTA) : à nouveau sous la direction de Lumet pour son second rôle de suspect battu à mort par un policier dans The Offense en 1972, et pour son rôle de grand-père dans Hope and Glory en 1987.

—–

Vivian Merchant (1929-1982) interprète le personnage de Maureen Johnson (la femme l’inspecteur Johnson- Sean Connery).

• Par sa présence, élément narratif déterminant, va se concrétiser une des scènes les plus douloureuses du film. Une confession durant laquelle il lui livre, pour la première fois, ses démons. Sa narration est composée d’images auxquelles il ne parvient plus à faire face, ses morts qui le hantent, ce sang, ces odeurs, l’horreur, la décomposition… 

 « D’ignobles asticots rongent mon esprit. C’est toujours la nuit. On est seul. Le silence… Le vide… La mort. Et personne. Des gens meurent… Personne ! »

• Sa femme n’ayant pas la force de lui répondre amplifie le sentiment de solitude et de désespoir de Johnson et déclenche une violence physique et mentale. Il réalise, à quel point, l’horreur, poison de ses nuits et jours, a infecté son intime. 

Vivian Merchant était l’épouse du dramaturge d’Harold Pinter de 1956 à 1980.

 

THE CONVERSATION

John Cazale

Il interprète le rôle de Stan, sublime de frustration.

Ce comédien tournera sous la direction des plus grands, Cimino, Lumet mais fut surtout un des visages emblématiques de Coppola avec trois films en collaboration. Le point commun avec The Offense se fait à l’aune de son unique collaboration avec Lumet pour Un après midi de chien en 76, face à Pacino (BAFTA 76, meilleur acteur).

-A quand un Blow Up – Luc Lagier spécial John Cazale ?

◅Cet acteur américain qui, au cours de sa très courte carrière, joua dans 5 films nommés à l’Oscar du meilleur film. Il reste surtout connu pour le rôle de Fredo Corleone dans la trilogie « Le Parrain » . 

⊿Un comédien qui porte chance ?

L’exigence de John Cazale est incroyable, tant depuis ses performances que depuis ses choix de films, tous couronnés. « Le Parrain » (1972) qui cumule 3 oscars, 5 Golden Globes et 1 BAFTA « Le Parrain 2 » (1974) obtient 6 oscars et tant d’autres, « Un après-midi de chien » (1976)- oscar 1976 du meilleur scénario original, « Voyage au bout de l’enfer » (1978)- 5 oscars en 1979 meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur second rôle C. Walken, meilleur son et meilleur montage et « Conversation secrète » Palme d’Or à Cannes(1974).

-Il fut le compagnon de la comédienne Meryl Streep

Harrison Ford

⊿Il incarne le jeune et méchant Martin Stett, auquel il va apporter une matière, non négligeable, à son personnage alors que le comédien est officiellement charpentier.

▵(Petit retour en arrière) Malgré son choix de nouveau départ, il tourne sous la direction de Lucas, American Graffiti pour le rôle de Bob Falfa. En dépit de ce succès, Harrison Ford, alors âgé de trente ans, reprend son activité de charpentier car le cachet de 600 dollars qu’il touche pour le tournage de ce film est insuffisant pour faire vivre sa famille. Cependant, sa motivation à faire carrière dans le cinéma est réanimée. 

C’est alors qu’entre en jeu The Conversation

▵Il reprend donc son travail tout en acceptant d’autres petits rôles. Après des travaux dans le bureau de Francis Ford Coppola, Il se voit proposer un rôle par ce dernier dans son film Conversation secrète avec Gene Hackman en vedette. Il doit tenir le rôle de Mark, mais au dernier moment, Frederic Forrest obtient le rôle ; Harrison Ford, qui récupère finalement le personnage de Martin Stett, en est furieux. Pourtant grâce à ce rôle, le jeune acteur commence à faire parler de lui à Hollywood.

/////

Génériques/ Scènes d’ouverture

The Offense

▵La scène d’ouverture au ralenti, unique et expérimentale, d’où une lumière blanche s’évade et envahit l’écran, est gardée dans un coin de ma mémoire cinématographique comme un modèle du genre.

The Conversation

▵Ballet mécanique, mouvement de caméra, un travail splendide sur le son, une scène d’ouverture digne d’un virtuose.

C’est une scène d’ouverture et quelles sont ses fonctions ?

▾Le fait d’entrer dans un film recouvre beaucoup de façon de s’y prendre, de très nombreuses scènes d’ouverture, au cinéma, sont mémorables.

▾A défaut de pouvoir vous diffuser le Blow Up spécial Ouverture de films, – le n° 1 de son top 5 est attribué à la scène d’ouverture de Coppola / Apocalypse Now – Petite synthèse toutefois depuis le texte de Luc Lagier:

  1. « Commencer un film,
  2. Susciter le mystère, intriguer avec les questions : que fait cet homme, qui est-il ? Ouverture énigmatique (Citizen Kane et son Rosebud), énigmatique mais moins narrative (le puzzle d’images de Persona).
  3. Une autre fonction: la clarté (résumer les enjeux narratifs du film à venir)
  4. Voix off
  5. Façon de préfigurer le combat final (La Horde Sauvage et la scène du scorpion)
  6. Prédire, annoncer
  7. Être une opposition: ce que ne sera pas le film à venir
  8. Mise en abîme (préparatif), sous forme parfois d’avertissement, levée de rideau, 
  9. Franchissement de frontière, ouverture de porte,
  10. Procédé narratif: le fait de raconter une histoire – Discussion
  11. Apostrophe, regard caméra (caméra subjective)
  12. Ouverture référencée et auto-référence. »

QUESTION DE SCENARIO

Points communs narratifs

► L’erreur supposée comme point commun aux deux films avec une interprétation subjective quant à la culpabilité d’un suspect pour The Offense et le malentendu quant à la compréhension d’un message pour The Conversation.

►L’hyperfocalisation sur le personnage principal

►Le solitaire au travail et ses propres méthodes

►Le vol, le viol, le meurtre pour obsession commune aux personnages principaux

►L’impossibilité et la question de la conscience

►Perte d’humanité

►L’intérieur, l’intime, le cauchemar, le refoulement

►Film d’auteur ou expérimental, anti-spectaculaire, intimiste, sont des adjectifs qui peuvent permettre de situer les deux films.  

THE OFFENSE

▵Partagé entre construction et déconstruction, le récit se livre par bribes avec un effet puzzle. Les images en couleurs qui nous sont montrées fonctionnent comme les manifestations du déséquilibre psychique dont Johnson est atteint.

▵L’image, comme symptôme, vient mortifier le film, ensanglanter l’écran. Ces arrêts, plans sur des suicides, meurtres, d’enfants, massacre de famille, se dispersent comme des séquences mentales subliminales.  

▵La mort est hystérisée par ce crescendo du pire, scandée depuis cette banlieue jusqu’à l’intimité même du personnage de Johnson.    

⊿  La violence est, séance tenante, fruit pourri, poison qui rend les hommes malades.

• Nausée, limites, cette expérience de spectateur est spectrale. Elle nous laissera meurtris, hantés par le souvenir d’une narration rare de l’extrême violence.

▵The Offence forme, avec La Loi du milieu de Mike Hodges (1971) et Salaud de Michael Tuchner (1971), un triptyque sur la criminalité dans les banlieues anglaises sordides du début des années 1970.

THE CONVERSATION

▵Film technique à l’instar de Blow Up (Antonioni), puis source d’inspiration pour Blow Out (De Palma), et fabuleux exercice de style au regard de son travail pour le montage et le son.

▵La musique suit à la trace le film, en alternant subtilité et hypnose, elle vient sublimer un scénario tout en apparence et points de vue.

▵L’ ambiance du film, noir et sec, à l’image grise vient parfaire le portrait désabusé de Jack.

▵L’anonymat, l’invisibilité, passer le plus possible inaperçu, une quête étrange mais obligatoire pour que le dicible puisse devenir audible pour Jack

▵L’opacité est entretenue par les obsessions de Jack mais atténuée par les indices livrés par le scénario. A l’instar de Blow Out de De Palma, le réalisateur est tantôt extériorité tantôt double, Coppola explore Jack, multiplie les correspondances entre leurs métiers mais l’emprisonne en l’encerclant de pièges.   

▵L’espionnage, comme élément paranoïaque qui colle si bien à l’époque, nous met en garde: Nous sommes tous sur écoute. Ce rapport à la veille, au contrôle, qui mine nos sociétés, nous souligne que nous sommes tous des suspects.

▵Le vol comme double atteinte à la victime du crime. Le mort de notre conscience apparait tel une éventualité pour chacun.e de nous.

Sidney Lumet Vs Francis Ford Coppola ?

◣Francis Ford Coppola est né en 1939, sa filmographie débute en 1962 avec L’ouest sauvage et nu. The Conversation est son 7ème films après, entre autres, Dementia 13, Les gens de la pluie et Le Parrain. Il a 35 ans en 1974. 

The Conversation est un des films les moins de connus de Coppola mais un de ses préférés! Coincé entre deux Parrains (72 et 74) et peu de temps avant Apocalypse Now (79). Il sortira, vous, l’aurez déduit, la même année que le Parrain 2.

◣Sidney Lumet né en 1924 et décédé en 2011. Sa filmographie débute en 1957 avec Douze Hommes en colère. The Offense est son 18 ème long métrage. Il a également travaillé pour la télévision (séries et téléfilms).

Entre 1962 et 1969, il est sélectionné, trois fois, pour la Palme d’Or à Cannes avec Long Voyage vers la nuit, La Colline des hommes perdus et le Rendez-vous. Il remporte l’Ours d’Or de Berlin en 1957 pour Douze Hommes en colère, son 1er film et est sélectionné trois fois pour ce prix entre 1959 et 66. Douze hommes en colère est, entre autres, nommé pour l’Oscar du meilleur film en 1957 soit une entrée fracassante dans l’histoire du cinéma…En 1972, Sidney Lumet a 48 ans.  

►Contexte cinématographique

1972 au cinéma ?

Cette année voit la sortie en salle, en France, de L’inspecteur Harry (Don Siegel), Les diamants sont éternels (James Bond- Guy Hamilton), Il était une fois la révolution (Sergio Leone), Orange Mécanique (Kubrick), Frenzy (Hitchcock), Le Charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel), c’est l’époque, entre autres, de Claude Sautet (César & Rosalie), Melville ( Un Flic), P.Paolo Pasolini ( Les Contes de Canterburry) et du Dernier Tango à Paris de Bertolucci.

1974 au cinéma ?

Cette année voit la sortie en salle, en France, de American Graffiti (Lucas), Chinatown (Polanski), La Balade Sauvage (Malick), Une femme sous influence (J.Cassavetes), Le Parrain 2 (Coppola), Les Valseuses ( Bertrand Blier), c’est aussi l’époque de Visconti (Violence et Passion), Resnais ( Stavisky), Mel Brooks (Frankenstein Junior, Le Shérif est en prison) et de La tour infernale, L’homme au pistolet d’or (Bond), Emmanuelle, Massacre à la tronçonneuse... 

 

DERNIER PETIT RÉCAPITULATIF
The Offense/ Sidney Lumet (réal) 1972 (année de sortie Royaume Uni )
United Artists/USA – Royaume uni John Hopkins (scénario)
Gerry Fisher (photographie)/Harry Birtwistle (musique) Sean Connery (interprète principal)
Année de sortie US: 1973 Année de sortie France: 2007- DVD
The Conversation/ F.F Coppola (réal) 1974 (sortie limitée)
The Directors Company/The Coppola Company/USA F.F Coppola (scénario)
Bill Butler (photographie)/David Shire (musique) Gene Hackman (interprète principal)
Année de sortie US : 1974 Année de sortie France : 1974
Distinctions Palme d’Or au FIF Cannes, Nomination Oscar du meilleur film 1975
Ressortie en France: 2000- 2010 Éditions DVD & Blu Ray 2013 ( Pathé)

◁PHOTOGRAPHIE

Gerry Fisher pour The Offense, est le chef opérateur, quasi attitré, du cinéaste Joseph Losey (La Mouette, Cérémonie Secrète, Le Messager, Maison de Poupée, Une anglaise romantique, Monsieur Klein).

Bill Butler pour The Conversation, a déjà travaillé avec Coppola (Les gens de la pluie) en 1969, Spielberg (Les dents de la mer), Forman (Vol au-dessus d’un nid de coucou) avec beaucoup d’autres dont Cassavetes et Nichols.

▷MUSIQUE

David Shire, est associé aux films de Peter Hyams, Alan J Pakula, Robert Wise, David Fincher (Zodiac), John Badham entre autres et à de très nombreux téléfilms et séries…

Harrison Birthwistle, Compositeur

◅A défaut d’être parvenue à vous trouver la bande originale de The Offense, unique travail, pour le cinéma, du compositeur de musique expérimentale, je me suis concentrée sur ses autres pièces.

▿Son titre, « Danses de la Terre », est une métaphore géologique sur les mouvements sismiques. Il rappelle des sections du Sacre du Printemps (Stravinsky) ainsi que la fascination du compositeur Edgard Varèse pour les volcans.

▿En écoute, Earth Dances, œuvre composée entre 1985 et 86 dédiée à Pierre Boulez.

Le critique musical Jonathan Cross décrit cette œuvre comme « une expérience mystique de pouvoir primordial qui nous remet en contact aussi bien avec la nature qu’avec des sentiments inconscients profondément enfouis en nous ».

Isabelle Pompe L, spectatrice réhabilitatrice, 19 février 2021.