Underdog

Ni attelée à la fabrication, ni entrepreneure, je ne participe pas à une course, du moins, pas en toute conscience. Je me tiens à l’écart des tournois, les datations symptomatiques d’un grand mal: 20, 30, 40, 50, après, vous êtes cuites, ont fait fuir mon vaisseau spatial.

En invalidant ainsi mes passages, mes années ont filé, sans cocher, les cases d’un jeu faussé.

Ne considérant pas ce code de la route comme le moyen le plus juste d’avancer, j’ai promu ma vacance au rang supérieure, mes gestes, choix ne tiennent pas sur un fil, ramifiés, ils dessinent ce tissage percé d’ambition mais pourvu d’expériences, d’histoires et d’émotions.

Je ne sais pas très bien ce que je sais bien faire. A force d’avoir mis de côté la chaleur d’une exposition, mes stratégies d’adaptation ont réduit, considérablement, mes envies de voyage.

Je réprouve les logiques de classement, sauf pour la musique, art le plus grand.

Ma sensibilité me garantit, de temps en temps, une place d’outsider. Ma cérébralité, elle, fait de moi une perdante, underdog.

L’intérêt n’a pas de siège chez moi. La modestie, seul chantier dont les fouilles se poursuivent, fait front commun à ces logiques de course, je travaille à l’épreuve, avec elle, à la dureté d’un terrain. Pas de duel mais bel et bien du conflit, pas de championnat ni de concours, toutefois, une partie se joue. Chaque fois, entre nous, contre, avec et sans, car la rencontre advient, quoi qu’il arrive.

L’on voit des dossards, la pièce d’identité sur une compétition, avec, vous êtes vivant, sans, vous sortez du champ, mort ou vif, peu importe, relégué aux limbes, vous disparaissez du classement, la bataille, elle-même, vous quitte, le combat en a fini avec vous, vous vous trouvez en situation extérieure, et c’est la vie, à ce qu’on vous dit, qui semble vous toiser à son tour.

Faux. Gagner et perdre sont indissociables. Il forme cette masse, que l’on nomme « tout » au sein duquel le palmarès ne dicte pas, toujours, l’ordre, demandez à Guillermo Vilas.

Numéro 2, vraiment ?

Je fais, nous faisons, communément, l’expérience d’instant où la fin, la sortie, l’achèvement porte des habits fourbes et nobles à la fois, nous assistons, attendons, montons d’un cran pour toucher, presque solennellement, le temps.

Le cerveau, dans le brouillard des chronos, ne sais plus penser, notre cœur se coupe de cette horloge-étape, demain-hier, délai-date, il va vivre sa vie, déraisonné, indépendant, assoiffé de brume, d’époque et d’atmosphère.

Son souffle ne tient plus en une seule haleine, commun, il s’abandonne aux territoires de nos éclaircies.

Répit, les larmes, la voix, le corps tout entier est sillonné par cette embellie, en rythme, traversé par les uns, transpercé par les autres, soulevé par ces volontés, porté par ces minutes victorieuses de liesse.

Même le meilleur cartographe se perd en calcul, quelle échelle sommes-nous, ensemble, capable d’atteindre ?

Quel plafond fera exploser, en mesure, tous nos tympans ?

Je parle, essaie d’apporter un peu de concret à un public fermé au monde, centré sur soi, dans le refus ou l’oubli, je reste placide, calme, ne dévoile pas mes abords, mes visions. Leur espace tient, telle une spécialité, en: je suis dans et les mots qui suivent deviennent leur écharpe rassurante, enveloppante et distinctive.

Dans et ses antonymes rivaux dehors, hors. Etre au cœur, dedans, au beau milieu, chez, parmi, à l’intérieur.

A cette place/prise de position -logique d’appartenance, L’air libre sera mon unique réponse, l’abord d’une route, sans abri, à la rue, mes sœurs d’arme.

Le tissu, le costume sied bien au cabotineur. Il porte la revendication dans l’ostentation, de celui ou de celle qui prétend de cette identité sociale, malheureux idiome, extirper un jeu gagnant.

Couler des jours, serpenter sans paresse, laisser son esprit douter mais se souvenir que voir reste ce verbe obligatoire.

La vision existe encore, de ces scènes écraniques conteuses de victoires, de ces duels sportifs, aux exploits totémiques, se jouent, à des échelles moindres, des jeux terribles où vie et mort ne se quittent pas des yeux.

Ce qui se trame à hauteur d’homme, d’homme à homme prend le pas, le dessus dans cette hiérarchie du spectacle, sur cette vie d’oiseau, d’animal.

Peu reste, au fil du temps, nous n’y voyons pas d’exploit, ne mesurons pas l’importance majeure de leur expérience en matière de survie.

Qui n’a pas, déjà, découvert ces scènes finales, quasi quotidiennes, ces K.O sur la vie qui s’abattent comme une ombre, auréolant notre maison, notre rue et notre adresse d’une noirceur fine mais certaine ?

Ici, la vie ne tient pas, à peine aperçue comme une lueur d’espoir, furtif ce hérisson qui, de nuit, retrouve ce jardin, la lumière se fait, je le vois, je me rendors, souriante de cette visite, puis me réveille, mort, lent trop lent à traverser cette rue/route, dès le lendemain, sur ce trottoir, pas d’échappée par là.

Déjà l’été passé, j’avais fait le point sur une expérience, comprenant la disparition de cette famille de Sitelle, après ces allées et venues, très éprouvantes durant des semaines, puis, plus rien, des mésanges, en nombre, retrouvées mortes dans le jardin, la faute à qui, quel prédateur se trouve ici ?

Est-ce la vie qui s’adresse à moi et à ma gestion de mes jours, empêtrée dans mes propres scandales ? Je sais mes angoisses, je tente de m’accrocher à ces quelques branches d’arbres, à ces bras qui repoussent, d’être attentive à des cycles de vie, d’accepter de recevoir, de m’émouvoir de ces moments fragiles, des petites victoires, puis, cruel, l’endroit reprend le dessus sur ce que je reçois comme des moments de respiration, pas d’envers.

Juillet 2023, toujours pas d’inverse. Depuis mon verso, je vis, encore, aujourd’hui, ces trahisons, que l’on qualifierai volontiers de banales, d’anodines comme de constants revers.

Ma tête est nue, mon esprit reste face, mes nerfs ne plongent pas, ne pas s’engouffrer dans des vérités, aussi infimes soient-elles, elles expirent l’absence de justice, blessantes, émouvantes, là, où la vie ne dure pas, où les coups de main, les tentatives de sauvetage du vulnérable s’effondre du fait d’une voiture, d’une mâchoire de chien.

Comment se tenir tranquille, alors que chaque jour infime porte les couleurs de l’effacement et du sacrifice ?

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Published by: Isabelle Pompe L

Isabelle Pompe L a.k.a IPL est une autrice et photographe française. Porteuse de projets "culture et écologie sociale". Militante et membre fondateur de l'association "Vayres à Soi" pour une écologie sociale en milieu rural!

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