Complétion

La complétion minutieuse, tâtonnante, de certaine courbe fabuleuse qu’il se sent pour mission d’inscrire en traits de feu sur le sol.

Julien Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 152

« Un beau ténébreux est un roman des astres et de la catastrophe, c’est-à-dire du destin sur fond de vacances et de dérive du temps ; vacuité des personnages en attente, dans un théâtre vide. »

L’obsession du résultat, l’ achèvement de l’objectif ont enroué les gorges de celles et ceux, venus, se joindre, à moi, lors d’un récent atelier théâtre.

Comment parvenir à dire que le théâtre n’est pas un, défini, avec des bords et des cadres, qu’il permet de développer l’empathie et la capacité d’écoute?

J’ai eu, face à moi, des personnes qui ne voulaient pas créer, affirmatives et enfermées dans cette triste phrase, j’ai eu mal aux oreilles, je veux jouer disaient-elles, mais pas créer. Impossible, ai-je répondu.

L’expérience de cette proposition de cocréation a fait apparaitre de fortes tensions, fragilisée mais encore à m’exposer au refus catégorique de s’ouvrir, je me suis adressée à des êtres incompréhensibles, rigides. Depuis que je suis dans ce département français, le rebelote fait feu de tout bois, je suis secouée, de part et d’autres, par des remarques qui manquent, souvent est un euphémisme, d’objectivité. Je pourrais être lassée, usée comme une vieille eau, épuisée, larguée, cul par dessus-tête à en avoir plein le dos.

Vous n’êtes pas faciles, ici, rebelles à la causerie, même la plus entre guillemets tranquille.

Dans cette salle, à cette adresse, mon sang d’encre ne fait pas fortune, mon esprit ne trouve pas d’écho propice à son émerveillement.

Quand la liberté sent le soufre, il faut viser les sources des distinctions sociales. Regarder l’injonction droit dans les yeux, la faire plier, en lui brisant les eaux.

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L’importance du jeu – « Dans l’enfance, il est souvent nécessaire de jouer pour établir une relation avec ses camarades. Ces enfants font alors semblant de jouer. Mais ils sont incapables d’apporter au jeu une contribution active. Pour que les autres ne ressentent pas que quelque chose leur manque, ils peuvent faire des efforts considérables pour « paraître » jouer. Mais ils s’adaptent sur la base de la complaisance, en restant fondamentalement absents à leur jeu. En fait, ils sont dans ces moments dans un état mental dissocié. Ils s’observent et observent les autres. Quant à ceux qui rêvent d’omnipotence, ils peuvent faire semblant de jouer avec les autres dans le but d’établir avec eux, dans un second temps, une relation d’emprise qui leur permette de vivre le sentiment d’omnipotence qui leur a fait défaut dans la petite enfance. « Apprendre à jouer pour développer l’empathie

Une idée très précise du théâtre battait leurs sols, résistants à l’écoute. A la peine, j’ai eu à trouver des compromis, à affronter des manières inexistantes, je parle mais les murs sont sourds et les couleurs de ces derniers, criardes, ras le front de l’attaque, de conjurer la domination. Je ne sais comment est-ce encore possible de poursuivre. Cette trajectoire est le fruit d’une émancipation intellectuelle qu’on m’oppose par refus de se libérer?

Foutez-moi la paix.

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Durant les mêmes mauvaises vacances immobilières, on me dit littéraire, on me demande d’apporter des explications de textes à mes écrits courts, Il tombe toujours mal, j’y vois de la moquerie. Voilà ce que je lis, avec froid, sans émotion, on me parle d’échange, que par ailleurs, je trouve sans empathie. Comme sauvegarder l’envie de parler, comment nourrir l’envie de revoir?

L’autre me blesse avec ses techniques floues, ses façons de me nuire en ne respectant pas ma sensibilité.

Où sont les voix qui viennent rompre avec l’opportunisme, couper la tête à l’égoïsme et au surjeu ? Où ?

Connaissez-vous le jeu des 3 figures ?

Il s’agit d’un Jeu théâtral original centré sur les 3 figures de l’agresseur, de la victime et du tiers, qui peut être simple témoin, redresseur de tort ou sauveteur. ( Serge Tisseron)

JOUER

« Les apprentissages cruciaux lors de la petite enfance se font principalement en jouant et interagissant avec le monde. Et jouer demande des efforts. Il faut de la persistance, de l’autorégulation…, exactement comme pour les efforts intellectuels. Car si l’enfant est naturellement porté au jeu, cette capacité a besoin, comme beaucoup d’autres, d’être exploitée au bon moment pour se mettre en place correctement. Il y a un temps pour apprendre à jouer de la même façon qu’il y en a un pour apprendre à marcher et un autre pour apprendre à parler. À défaut, les capacités d’invention, de création, d’humour et d’imagination risquent d’être durablement réduites. »

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Je nous sais incompatibles.

La routine n’est pas ignorance, elle est lâcheté et orgueil de gens qui renoncent à leur propre puissance pour le seul plaisir de constater l’impuissance du voisin.

Jacques Rancière – Maître ignorant , cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle 1987