Je suis public de plusieurs formes culturelles. J’ai plusieurs vies de spectatrice et ai consommé la culture à des endroits divers.
Des festivals, des salles, des biblios, des salons, des endroits, galeries, coins, espaces, dehors et dedans, sans oublier la multiplicité des formes et des propositions. Le prix n’est pas toujours une barrière.
Je suis décentralisée, pluri public d’une culture plurielle.
Militante et habitante pour une meilleure reconnaissance des publics de la culture et de la diversité culturelle, il m’arrive souvent de regarder des programmes de structures culturelles, notamment théâtrales, et de les décortiquer.
De là où je me suis trouvée, en rase campagne, dans des communes peu dotées, depuis une capitale puis une deuxième, elles m’intéressent et m’intriguent à la fois.
Suis-je captive ?
A la lecture découverte des ces programmations culturelles, j’ai commencé à voir des dessins, ceux des références d’une culture légitime, ma voix intérieure s’est mise à tousser.
Engagée dans la lutte contre les inégalités, je n’ai pas réussi à me taire et ai souligné les éléments que je trouvais étranges voire trop peu engagés du côté de la diversification des publics. J’ai posé des questions au regard de la place occupée par les publics (toujours au pluriel) à certains professionnels.
Aujourd’hui, alors que je recherche un poste en lien direct avec mon parcours professionnel, je tombe sur ce type d’offre d’emploi:
::: »Le Théâtre Nanterre-Amandiers recrute un.e
ATTACHÉ.E AUX RELATIONS ET AUX
PROJETS AVEC LE PUBLIC »
C’est alors que je prends connaissance de la proposition de poste avec pour entrée en la vive matière, une citation du directeur de la structure culturelle, ici, un CDN (Centre Dramatique National):
« Créer, partager, désirer et accompagner sont les
points cardinaux de mon projet. Avec une équipe, des
artistes, un public, de nombreux partenariats, je
souhaite poursuivre et réinventer cette aventure
artistique plurielle. Le théâtre n’est pas un vieux
mot, c’est un beau mot que chaque époque et génération
interroge avec son temps. » Christophe Rauck
Un mot m’arrête, l’article qui l’accompagne et l’ordre, je vois une équipe, des artistes, un public.
Le « public » est en 3ème position.
Je note le « chaque génération », je milite pour le transgénérationnel depuis près de 10 ans…Je ne scinde rien, une génération, une jeunesse, une vieillesse, trop hétérogène, complexe et source de discrimination pour être observé ainsi.
Pour ce poste, il s’agit de participer à « l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de développement et de diversification des publics. D’un coup, il y a ce « s » à publics et ce mot diversification.
La stratégie de développement et de diversification à élaborer et à mettre en œuvre ? Développer des publics c’est accroître son audience, c’est surtout cibler de manière précise, avoir un discours adapté, fidéliser.
Quant à diversifier ? On espère « élargir ».
Cette stratégie majeure sous-tend une modification profonde et un discours adapté à chaque cible.
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Comprendre les inégalités et ce dont les publics ont besoin, ont intérêt. Quelles questions se posent-ils ? Qu’est-ce qui les inspirent ? Regarder du côté des avis, des commentaires. Faire un vrai travail d’enquête. Considérer ses publics comme une partie prenante. On quitte la hiérarchie, la pyramide classique et on se tourne vers le transversal, on passe en mode projet, là, où les publics sont indispensables et indissociables de la vie de la structure.
C’est le regardeur qui fait le tableau, Marcel Duchamp
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Oui, une structure devrait avoir pour mission première de veiller à accorder une place majeure à ses publics, à leurs paroles, à les diversifier, à mettre en œuvre des actions concrètes en faveur des questions d’accès et des types de freins.
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Diversification: quels types de nouveaux publics ?
Dans le discours des professionnels de la culture, on entend parler de cette typologie, celle des publics empêchés.
Voici une définition produite par l’un des acteurs emblématiques des mondes des biblios/lecture publique, l’Enssib:
» Les publics empêchés regroupent un ensemble hétérogène de situations :Par convention, on appelle « publics empêchés », les personnes ne pouvant se déplacer à la bibliothèque : malades, personnes à mobilité très réduite, personnes très âgées, hospitalisés, détenus…Enssib.fr
On retient HETEROGENE. On parle bien des personnes ne pouvant pas se déplacer.
On peut ajouter celles et ceux qui n’ont pas les moyens de se déplacer, qui résident à une distance trop éloignée (sans moyen de transport) d’une structure culturelle mais comment les appeler ?
Nous pouvons ajouter les publics éloignés mais avant cela, petit focus sur cette contribution culture du pays d’Ancenis qui sort dans les moteurs de recherche sur ce sujet.
La culture c’est quoi ?
Selon cette convention, voici la synthèse extraite de Conseil-developpement/Contribution_culture
Les sociologues et autres chercheurs au DEPS ( Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation ) peuvent, j’espère, vous répondre: NON, la culture ne se définit pas sur la base des domaines couverts par la DRAC. Elle ne se limite pas à l’art.
Non, la culture « populaire » n’est pas produite et vécue au quotidien par les habitants d’un territoire.
On ajoute que le patrimoine culturel peut aussi être matériel et immatériel.
« Le patrimoine culturel ne s’arrête pas aux monuments et aux collections d’objets. Il comprend également les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel.
Source: Unesco
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Pour le CNC, les publics éloignés sont définis par trois précisions: milieu hospitalier, milieu pénitentiaire, solidaire (cinéma solidaire)
« Lancée en 2003 et destinée à lutter contre l’exclusion et contribuer à la démocratisation culturelle et plus particulièrement dans le groupe de travail « Elargissement des publics ». Pour toucher les publics fragilisés, les établissements publics, dont notamment les musées, ont été signataires en 2009 de la charte Vivre ensemble et ont choisi de s’adresser aux personnes relais dans les structures du champ social (bénévoles, travailleurs sociaux, éducateurs, animateurs, formateurs etc.) Source: CNC
J’ai aimé des autrices et auteurs, des cinéastes et des artistes dans la colère, en prenant la mesure de la réduction de ces derniers à des figures schémas qui ressemblent à des cloîtres.
De nombreuses fois, j’ai eu à défendre et tant d’autres, avec et avant moi, le cinéma dit populaire, je regarde vers Carpenter, De Palma, soumis à une hiérarchie qui faisait d’eux des parias et nous, leurs publics, des détenus d’un sous-genre.
J’ai été saisie par les incompris, je me dis que l’ovni Santa sangre de Jodorowski que l’on enferme dans la catégorie pour spectateurs avertis n’est pas qu’un film de genre, il est, surtout, méconnu, trop rarement mis en avant comme une référence du septième art.
Je n’ai pu m’empêcher de me rappeler mes difficultés à me faire respecter en tant que spectatrice habitante de contrées lointaines, dépréciées car porteuse d’une faible valeur ajoutée. Je me revois résidente à temps plein dans ces bleds, ces coins de banlieue qui ne pouvaient survivre culturellement sans ligner RER direction Paris.
Et, une fois à Paris, quelle galère, le prix du transport, la misère des horaires, le calage sur la vie professionnelle dans des secteurs incompatibles et la non tranquillité du retour…
C’est lorsque je me suis installée à Paris 20 financièrement plus viable et que j’ai eu du temps que j’ai pu profiter de soirées théâtrales, cinématographiques et autres formes. Soit seulement durant 10 années de ma vie de consommatrice culturelle qui a commencé, plutôt bien à l’étranger, en 1985 grâce à un vidéo club et un cinéma de quartier: le Flambeau.
Donc, je me résume, sans ou téléviseur mais avec de écrans, des abonnements et des accès à des plateformes, je peux regarder des films et des séries presque sans problème depuis près de 40 ans.
Moins facile mais tout de même très correct, je peux m’acheter, et oui en seconde main, un peu moins emprunter, quoi que, des livres et dvd (support toujours important si on est cinéphile).
Plus dure, l’accès au théâtre, salle de concert, et autres salles « spectacle vivant ».
Un peu moins rude, l’accès à des expositions hormis celles de Paris, là trop loin en km, beaucoup trop loin depuis 10 ans pour être visitables avec ferveur.
Pourrais-je postuler à ce poste ? Pourrais-je être attachée aux relations et aux projets avec le public ?
Je vous laisse avec cette vidéo d’Olivier Donnat (DEPS)


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