♬La guerre des images ne semblent pas trouver d’issue. Depuis nos story telling, nos actes imagés que l’on pense réussis, loyaux vis à vis de nous-mêmes, nous nous servons de l’image comme d’un véhicule. C’est un moyen de transport majeur pour l’exercice de notre pouvoir.
Nous nous livrons des batailles vaines et sans fair-play. A partir de ces endroits constitutifs, je réponds, donne de la voix à mes images. Utilisées tantôt comme des gifles voire répliques, la domination aime s’adonner aux images.
Je te dépasse par mes images, mes choix sont plus puissants que les tiens. Elles sont signes de distinction.
L’image pour répondre au mutisme ?
Nous ne parvenons pas à trouver autre chose à faire que de rester maintenus sous l’incompréhension. Étant donné que le jeu n’alimente que rancœurs et remords et qu’il n’en vaut pas la chandelle….L’époque est mutique, la lâcheté de mise.
Nourrir est-ce donc si difficile ? Plus complexe que juger ? Vivifier une réflexion, soigner un acte de paix, donner vie à une tranquillité d’esprit semble perdu d’avance.
Visiblement, tu ne m’accorderas pas cela et instrumentaliseras encore les choses à ta disposition pour m’atteindre.
L’autre est une rive, un monde-image au même titre que moi, ce postulat est à prendre au pied de la lettre: il était une fois...
L’instant est choisi: la mentalité/logique voire stratégie de l’autre arrive, à point nommé.
Soit, je dispose des images et l’autre, comme lors d’une partie de carte, se sert. Par souci d’équité, l’autre fait de même, ouvre le champ et propose d’autres images susceptibles de trouver un écho, en moi.
Nous nous présentons, l’un à l’autre, par le prisme de nos images, sans oublier que deux rivalités s’exposent.
Point de partage, ni de point d’orgue à même de délier, de produire de l’arrangement, nous certifions, par là-même, nos pouvoirs, aggravant, encore et encore, nos cas.
Nous ne souhaitons pas entendre, recevoir les images qui ne nous renvoient pas à ce qui nous rassure, qui ne nous garantissent pas la victoire.
L’image, élément composite narratif de nos perceptions, est source d’insécurité. Nous souhaitons les contrôler, les maîtriser afin qu’elles nous servent, nous soient utiles et c’est là où nous pêchons.
Elles possèdent un endroit et un envers et malgré nos encodages les plus sophistiqués, elles ne sont pas lues, reçues, comme nous l’aurions souhaité.

Nos selfies, photo de profil, l’image qui nous narre, se livre à de multiples combats, les nôtres: assumer qui nous sommes devenus et celui des injonctions/comparaisons: le « qui suis-je » face à « qui je devrais être ». Mais ce n’est pas tout, les images, qui délimitent nos territoires, sont des pièges.
Nous les tendons aux autres mais elles nous enferment tout autant.
Nous ne sommes pas libres face à nos images
Correspondre à nos exigences le plus possible mais aussi accepter les changements, nos vrais visages. Nos images attendent de nous beaucoup, trop. Nous en assumons certaines mais d’autres sont plus terribles à montrer.
Qu’est-ce qui est vrai, nos avatars ? Nos fausses publicités, nos modèles ? Qui fait la loi dans nos esprits ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à respecter nos endroits et envers ?
La seule manière, que je sois parvenue à trouver, pour pacifier mes rapports avec moi-même, c’est de tenter de dénouer, d’arranger les choses avec l’autre.
Passer par d’autres accès, chemins pour ne plus laisser régner la contrariété, la guerre des égos, faire passer le message suivant: le respect est un b.a.-ba relationnel qui ne doit subir aucun réajustement. Il s’applique, sans condition.
A la mauvaise foi, à la lâcheté, je tente de dire si assumer ses erreurs d’appréciation, de jugements coutent trop cher, optons pour un autre monde où le commun ne se questionne pas, ou presque. C’est ici, que les cultures, les formes artistiques entrent en scène.
L’honnêteté, la plus vigilante est requise:
Si je souhaite faire bénéficier de tournants à ma vie créatrice, j’écoute, avec assiduité, mes images et réalise que je relève autant des arts vivants, que plastiques. Je suis tout autant envahie mais aussi composée à partir de mouvement que de statique. (Si tant est que la photographie soit une expression immobile).
Je peux m’appuyer sur la littérature pour y trouver les fondements de mon éthique, mais aussi poser mes pieds sur des sols graphiques, picturaux tout autant que musicaux, théâtraux…Il convient de peaufiner mon pilotage.
Je ne cherche à ressembler ni à rejoindre une communauté de fans, par contre, j’aimerais indiquer, à l’autre, que certes, nous avons nos points de divergence mais, par le prisme de la musique, du cinéma, bref, de nos reines-mères artistiques et culturelles, nous pouvons nous recevoir, avec dignité.
L’exigence de la décence dans l’échange est une condition sine qua non.
Je n’ai pas été respecté.e pour mes libertés de choix et de mouvements mais c’est mon droit que celui d’être libre et de ne pas vouloir être celle/celui que vous souhaiteriez que je sois
Ce droit, ma vie dépendra de ma faculté à l’exercer, ou non, tout en sachant que l’exercice de celui-ci revient à vivre exilé, en dehors, la liberté serait-elle la marge ?
La société et toutes les institutions/ structures qui la composent, préférera toujours ceux qui considèrent la bonne marche à suivre comme unique voie sans oser la remettre en question.
Cela se traduit par la quête de la réussite, l’envie d’en mettre plein la vue, montrer quel bon élève nous sommes, démontrer, de toutes les façons, ce que nous avons…
C’est ainsi que les revanches se gavent, les égos se gaspillent, les mondes se meurent…

A l’un.e, l’autre répond par le totémisme du duo, se dissout sous le tandem. Le binôme, ne parvenant, parfois, pas à exister autrement, nous nous plaçons sous la dépendance. Nous ne serions pas nous sans…, nous devons nos jours à…., Nos images respectives sont celles de l’autre. L’étendue des dégâts est telle que nos mondes sont en proie aux rétrécissements.
Depuis quelques temps, c’est à partir de ces espaces restreints que l’on m’adresse la parole.
-Mais répondez-moi, dis-je, je vous en prie, rentrez dans cet arène,
L’autre peine à parler, il répond, colle, souligne sa foi en cette folle idée de gémellité.
J’aspire à ne pas reconnaître ai-je répondu, « je souhaite agrandir mes mondes, déplafonner mes espaces, sortir de mes gonds pour être en mesure de négocier d’autres virages, prendre d’autres routes. »
Le silence, la fermeture et la prise de distance furent les retours. Le repli, autre zone de décomposition psychique, est un point de non retour vécu comme un affront. J’ai quitté cette dernière partie, condamnée à la réussite de l’échec.
J’ai refusé le co-pilotage de ma vie, faisant confiance à mon jugement et me référant à la connaissance que j’ai de moi-même. Après avoir entendu de nombreux récits de vie où l’autre est indispensable, j’ai voulu prendre le risque de faire sans lui. Depuis mes erreurs de rencontres, à ces choix interprétatifs, je sais, que le sort de ma pensée tiendra encore en l’idée de faire seule.
Un défaut de confiance de la part de l’autre est signe de limites. L’autre ne parvient pas à nous accorder cette dernière parce qu’il ne la détient pas lui-même. Le défaut d’estime de soi produit jalousie, incompréhension, source maladive du malentendu. Ce ne sont pas des environnements à même d’épanouir.
Comment clarifier, dès lors, le propos, comment parler, à l’autre, sans donner raison à ses jugements de valeurs ?
C’est là, que les échanges se muent en bataille, non d’égos, ni d’idées, mais de capacité à créer.
On optera pour un choix judicieux d’images qui, tel un glossaire, un abécédaire de nous-même, viendra appuyer les raisons d’êtres et les conditions d’existence de nos personnages.
Ces icônes reprennent nos dialectes, deviennent notre vocable inconditionnel, à l’instar de ces quelques premiers mots que nous proposerions à la lecture lors d’une lettre de candidature à un emploi, ou encore, afin de nous présenter de façon synthétique. Des images pour dire si je devais résumer: je serais, je suis.
L’image est notre mémoire affective, personnelle et intime mais aussi commune. Les images qui se succèdent, ici, sont celles d’artistes femmes. Des sœurs, mères, dont l’étendard est à brandir comme un emblème ? Peut-être pas, des routes à suivre qui détaillent un état d’esprit, un comportement, des histoires.
L’image comme garde-fou, qui, dans les instants les plus sombres, sait nous retrouver. L’image tel un guide, qui d’elle-même, réinstalle un décor. Nous leur avons accordé du pouvoir, elles maitrisent leur autosuffisance.
L’image pour attester l’élément de preuve
Regarde celui ou celle qui se présente à toi, il ou elle dévoile les bases de mon raisonnement, j’accepte de montrer cette part de moi, ce sourire, cet air, ces traits, ce paysage symbolique qui définit mes règles. Tu fais face à mes « restricted area ».
Je suis photographiée par un.e autre, je suis portraitisée, je suis entier, de 3/4, de face, de profil, je suis cette respiration. Cet instant de ma vie passé me sacre. Sous tes yeux, tu es témoin de l’histoire que je te raconte.
– Je cherchais une muse, moi voyeur, je voulais, avoir, sous mes yeux, un être, afin d’obéir à leurs ordres.
//Je te réponds, que je me suis moi-même photographiée, que je l’ai été, à mon tour, mais qu’à aucun moment, je n’ai envisagé d’exister depuis l’autre. J’ai le pouvoir de mon image, de jouer, avec elle, de la mettre en scène, je suis maitresse à bord de ma rive. Le refus d’être une muse est mon mot d’ordre.

Poison Ivy- The Cramps
Les reprentatrices, ambassadrices matricielles de ma culture, de mes cultures portent des noms, des visages de femmes ayant évolué sous l’égide d’un groupe mais en incarnant son visage principal, c’est le cas de Nina Hagen, Chrissie Hynde (Pretenders) Björk avec les Sugar Cubes, à l’origine, par exemple.
Elle peut aussi exister pour elle-même à l’instar d’une Janis Joplin, être une interprète spectaculaire comme Poison Ivy pour The Cramps, une volontaire irremplaçable à la manière d’une Kate Pierson pour The B-52’s, porter toujours plus haut la singularité façon Neneh Cherry ou Missy Elliott, mais aussi placer la barre de façon héroïque telle une somptueuse Karen Dalton, splendide Nina Simone, magistrale Billie Holiday.
Mes images sont celles, tragiques, parfois victorieuses, de femmes en lutte.
J’ai refusé tes propositions d’images parce qu’elles ne prenaient pas en considération la détermination de mes combats. L’endroit non permissif, d’où peut provenir un être, compose non pas une vie de reine mais bien d’esclave.
Je suis rapidement devenue une des esclaves les mieux payées de la région, je gagnais mille dollars par semaine, mais je n’avais pas plus de liberté que si j’avais cueilli le coton en Virginie – Billie Holiday
L’image pour dire juste

Avoir le courage de refuser les formes d’arrangements, débouter les facilités, rester intègre, je n’ai pas voulu vendre mes images, que l’on puisse en tirer profit ni bénéfice.
Si mes choix me radicalisent dans ma galère sociale, soit, j’accepte, cela ne sera qu’un énième juron violent mais insipide.
C’est bien de guerre dont il est, toutefois, question. La guerre des mondes, des miens, des tiens, de ceux qui sont tenus à bout portant, de ceux qui menacent de s’écraser, de ceux qui sont, éminemment, perdus.
La voix de nos images est pourtant assourdissante, cependant, il semble toujours plus évident de ne pas l’entendre. Si je les écoute, avec le respect, qu’elles exigent, je comprends que j’ai la matière textuelle nécessaire à mes chants.
Si je porte une attention véritable à mes messagères, je sais que le mouvement revient à la surface, il ne me reste plus qu’à coudre, avec la concentration vertueuse qui va avec, mon juste canevas.
L’image fixe est une langue, l’écriture en est une autre, la photographie est une prise de pouvoir et de contrôle sur ce qui dessine mes personnages, ce qui délimite et façonne mes mondes: ce que j’ai eu sous les yeux.
Le théâtre est un espace de conception, la danse, de parole, la musique, d’expression émotionnelle. Je saisis que je peux me suffire à moi-même, m’auto-produire, concevoir mes livres d’artistes, faire, à la main, mes tirages.
Je prends conscience que l’intelligence de ma main n’est pas moindre, que le déterminisme peut modifier la donne, que la reproduction sociale se limite à un souffle court.
Je n’ai pas besoin d’éditeur, seulement, suffisamment de moyens et d’énergies pour activer toutes mes ressources, l’idée restant la même : ne pas se trahir dans la traduction de mes mondes.
Se tenir hors du feu du déni, s’écarter de la voie de la mauvaise foi. Se concentrer pour entendre. Porter à ses endroits, la justesse de ses envers, c’est-à-dire tout ce qui vient nourrir l’être: ce « je suis » et ce « je dois apprendre à regarder et à comprendre d’où je viens ».
Mes images sont fabriquées à partir de mes outils psychiques. Elles portent des valeurs d’indépendance, de justice et se sont frottées à des mondes qui ne les estimaient pas.
Ce que je leur souhaite ? Un respect incompressible.
Nos images sont nos murs, tangibles, que l’on espère, lors de tempêtes, impénétrables.

Nos images sont nos remparts, fortifications. Nous les brandissons comme des drapeaux, territoire contre territoire, face à face plus qu’ensemble. De ton doublet, mes images symbolisent l’opposé qui ne transige pas à leurs règles.
A partir de l’exigence et de la pleine compréhension de nos rôles respectifs, nous n’osons pas défrayer nos chroniques, l’image pour modèle et message. Point de bijou, ici et là, des personnalités, des énergies, des actes de foi et d’engagement plus que toute autre politesse ou incarnation de la raison.
L’amour Versus la joliesse ? Qui sait, en effet, mes mondes sont fruits de radicalité mais aussi incarnation de l’amour, sans recours à la séduction. Elles viennent bousculer les notions esthétiques subjectives et superficielles de beauté, de charme mais il n’y a aucune laideur humaine chez elles. Ce ne sont, tout simplement, pas des images de jolies filles. Elles constituent des modèles d’intensité, de lumière qui condensent le mystère.
L’image n’est pas douceur, sa saveur n’est pas divertissante, ni bien faite, mes héroïnes ne sont pas les tiennes, soit, tes héros pourraient être les miens, et c’est avec la pleine reconnaissance de ceci, que nous parviendrons à nous tenir en respect plutôt qu’en joue.
La musique, gage de paix, apaise les mœurs, dit-on si souvent, elle est surtout, avant d’être intime, politique, intimement politique.
Nos images sont donc politiques, le reflet du monde que l’on souhaite, nos définitions de la limite, de l’acceptable, ce que nous reconnaissons comme volontés, acuités, ce sur quoi nous ne négocierons pas, c’est donc, bien, ainsi que nous devrions nous présenter.
Montre-moi tes images, l’étendue de tes mondes, ta définition de la virulence, la noblesse de tes causes, décris-moi tes voyages et je te répondrai, d’où je me trouve, eu égard à l’échelle de cet enjeu, avec la plus grande dignité qui soit
Nous n’en serons, peut-être, jamais, ici, ce pourquoi, il n’est plus question d’un être et d’un autre, ni d’un gabarit en instance de comparaison, ni d’un être dans l’attente, l’espoir d’être validé mais d’un monde de dépendance où la fierté peine à se contrôler et d’un autre, forgé par la véhémence, qui refuse de plier face à l’adversité…
Isabelle Pompe L, en réponse au sexisme ordinaire, 1er avril 2021.
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