Appel à la haine sociale ?

Fin 2021, 1 930 900 personnes reçoivent le RSA, en France. Nous allons aborder les inégalités et l’égalité, partir, sans vacances, au XXI et au XIX ème siècle…

Exemple//

Minima sociaux – Très forte hausse du nombre d’allocataires du RSA en 2020 

Julie Bertrand (Dispositif régional d’observation sociale), Jérôme Blanche (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités)

En 2020, le recours au revenu de solidarité active (RSA) augmente fortement suite aux conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19. Fin 2020, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 173 300 foyers sont allocataires du RSA, soit 18 600 de plus en un an. L’augmentation est de 12 % contre +7,5 % au niveau national. Tous les départements de la région sont plus touchés que la moyenne nationale. La hausse est particulièrement forte dans les Alpes-Maritimes où le choc économique a été très marqué (+21,7 %).

Aujourd’hui Vs 29 septembre 2022

Le projet de loi « plein emploi », a été voté cette semaine à l’Assemblée nationale. Et notamment, l’une de ses mesures les plus symbolique : la réforme du RSA.

Nous en avions déjà parlé, ici -même, le 29 septembre 2022, lors du test du dispositif par les départements avec Etre ou ne pas être a R.S.A

La pauvreté monétaire touche en premier lieu les chômeurs (38,9 %). Parmi les personnes en emploi, les travailleurs indépendants sont plus vulnérables (17,6 %) que les salariés (6,8 %).

Le taux de pauvreté a diminué depuis 1970 mais est aujourd’hui plus élevé qu’au milieu des années 2000.

En 2019, 13,1 % de la population est en situation de privation matérielle et sociale.

Ces personnes ne peuvent pas, pour des raisons financières, couvrir les dépenses d’au moins cinq éléments de la vie courante sur une liste de treize (pouvoir chauffer son logement, acheter des vêtements neufs, etc.).

On se rappelle: La Cour des comptes a publié un rapport en janvier 2022 concernant le RSA et le C.E.R dont je vous recommande vivement la lecture.

Il est fait état:

  • d’un cadre institutionnel et financier inadapté dès l’origine
  • l’accès à l’emploi reste difficile pour les bénéficiaires
  • disparités départementales
  • graves lacunes.

Sauf qu’aujourd’hui, c’est sur les bénéficiaires que pèse la responsabilité du caractère inadapté du cadre, ni les départements, ni son système lacunaire.

De quel revenu parlons-nous dorénavant ?

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15 OCTOBRE 2023

Vous pouvez lire et écouter la chronique de Victor Viktorovitch, France Info, du dimanche 15 octobre 2023.

C’est dans une indifférence sociale quasi généralisée que s’est jouée une réforme symbolique. Symptomatique d’une politique qui exclue, crée de la précarité supplémentaire, conditionne, juge, étrille, une partie de la population.

« C’était une promesse du candidat Macron en 2022, c’est désormais chose votée : le projet de loi « Plein emploi » conditionne le versement du RSA, le revenu de solidarité active, au fait de s’acquitter de 15 heures d’activité chaque semaine.

Paradoxalement, le gouvernement était initialement réticent au fait de traduire cette promesse dans la loi : le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ne s’y est résolu que sous la pression du groupe Les Républicains, qui en avait fait une condition sine qua non pour soutenir le texte. »

Caractère obligatoire de ces 15 heures d’activité

Déjà, sur le plan pratique, il y a de nombreux allocataires qui ne pourront pas s’en acquitter : ceux qui s’occupent d’un proche en situation de dépendance, ont la charge d’une famille nombreuse ou simplement n’ont pas de moyen de transport. Ces personnes risquent d’être sanctionnées, sans rien pouvoir y faire.

C’est un bouleversement dont il faut prendre toute la mesure. Rappelons que ces heures d’activité peuvent être effectuées en entreprise.

Or le principe même du RSA, c’était de favoriser le retour à l’emploi, en permettant de cumuler l’allocation avec quelques heures de salaire. Pas de créer une main-d’œuvre gratuite.

Martin Hirsch, l’un des initiateurs du RSA, a qualifié cela au micro de franceinfo, de « grave régression sociale ».

Une personne seule, au R.S.A perçoit, actuellement, environ 600 € par mois. 15 heures d’activité par semaine obligatoires correspondent à 60 heures dans le mois pour pouvoir, désormais, percevoir ces 600€.

60 heures à 10 € ça fait 600 €, le devoir de cette personne c’est de se payer son R.S.A.

Le Smic horaire brut au 1 er mai 2023 : 11,52 €…

Claire Hédon s’est exprimée sur cette réforme:

« «Qu’est-ce que c’est que cette société qui va renforcer les inégalités au lieu de lutter contre ?»

Un «retour au XIXe siècle», pour la Défenseuse des droits, vent debout contre ce texte. »

10 OCTOBRE 2023

L’Assemblée nationale s’est prononcée le mardi 10 octobre, lors d’un vote solennel, sur le projet de loi «pour le plein-emploi». Ce texte, qui devrait être voté grâce aux voix des LR, impose plus de conditionnalité, et notamment quinze heures d’activité obligatoire ou des nouvelles sanctions aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA).

Ancienne présidente d’ATD Quart Monde, la Défenseuse des droits, Claire Hédon, qui a commencé ce mandat de six ans non renouvelable et irrévocable en 2020, s’alarme des conséquences de cette réforme sur les plus précaires. Source Liberation

RENVERSEMENT du droit constitutionnel

« Notre système de protection sociale repose un principe fondamental, inscrit dans notre Constitution :

« Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

La lecture de celles et ceux qui bénéficient du R.S.A fait froid dans le dos, assistés, chargés à blanc, montrés du doigt, stigmatisés, des esclaves sociaux dont on ne respecte pas les droits fondamentaux. Ceci s’est passé avec cette réforme, sans faire de grand bruit ni provoquer de tollé, peu se sont exprimés comme si le sort des opprimés, encore écrasés, n’avaient pas de valeur.

Sans mesurer la portée symbolique de l’attaque, cette réforme va accroitre la précarité à partir d’une haine sociale.

Comme le remarque la défenseure des droits, Claire Hédon, il ne s’agit ni de charité, ni de rétribution. C’est un devoir de solidarité, qui pèse sur la Nation, et devrait être inconditionnel. On ne laisse pas un être humain sur notre sol sans moyens de subsistance. »

Intelligence, tous égaux ?

On relit et on réécoute Jacques Rancière sur le sentiment d’égalité comme présupposition de laquelle il faut appartenir.

Postuler une inégalité de départ qu’il faudrait combler – en l’occurrence, l’inégalité des intelligences – revient à entretenir cette inégalité en décourageant, en réfrénant l’émancipation de soi par soi.

Source: Jacques Ranciere, aucune institution n’émancipe les gens

Cet objectif de réduction de l’inégalité suppose d’accepter cette inégalité qui met une personne en position de supériorité par rapport à l’autre.

Jacotot préconise à l’inverse de prendre l’égalité comme principe de départ.

Il s’agit de considérer que tous les individus sont égaux et de prendre ce postulat comme un point de départ.

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L’égalité des intelligences doit fonctionner comme une maxime au sens de Kant, c’est-à-dire un principe qui guide notre conception du monde et dont on développe la logique, dont on en vérifie les effets.

Conçue de cette manière, l’égalité n’est pas une donnée vérifiée, mais une présupposition qui est à vérifier.

Il ne s’agit pas de dire, formellement, que « tous les hommes sont égaux », mais « il faut agir sous la présupposition d’une égale intelligence ».

L’égalité des intelligences, d’une certaine façon, c’est d’abord ce qui définit votre propre pratique : vous parlez, vous écrivez, vous agissez dans l’idée que vous vous adressez à des égaux.