Lavez nous de votre surface de vente.
Savez-vous que lors de vos entrées vous nous êtes décomptés et ajoutés
et que de cette transformation en argent dépend la teneur de nos journées ?
Savez-vous qu’à cette zone nous sommes accrochés,
placés sur une grille tel un schéma stratégique à la typologie commerciale plutôt anglophone.
Que de vos achats plaisirs, coup de cœur, nous sommes les instigateurs,
que de ces propositions qui
vous sont faites, nous tirons les ficelles,
qu’en coulisse à votre promenade sans quête parfois,
espionnage, balisage sont nos ordres, qu’ils dégueulent jusqu’à vous alourdir,
qu’ils soient le code, le sens caché de vos tocs ou de vos de vices,
qu’ils soient le miroir de votre état, ces paniers, ô saints paniers ouverts, prêts,
faits pour recevoir, avaler, nous vous souhaitons bonne garde, qu’avec,
vous ne cessiez d’en obscurcir le fond, puis de ces couches,
vous construisiez votre langage,
que de besoins en caprices, vous ne cessiez plus d’en ajouter,
que de cette addiction à l’acte d’achat vous en redemandiez et
qu’ainsi nous puissions vous offrir l’adrénaline vitale.
Nous connaissons cette maladie, cette torpeur quant à l’idée d’exister,
nous vous asservissons davantage, réprimant ainsi l’humain en lui frottant le sang.
De loin, l’opératrice que je suis, qui ne laisse rien au hasard même cette tête de gondole
qui vous gêne, je comprends les dédales, vous et moi posons les pieds à des endroits différents,
à ce que vous preniez pour du sympathique conseil, je suis tenue d’être opérante,
qu’à cette transformation sus nommée, vous vous trouviez mêlés, vous ne l’ignorez peut-être pas
mais savez – vous qu’à ces endroits, à ces espaces, à ces codes sont pendues nos énergies et que
vous en tirez les sonnettes.
A ce panier, dur comme fer je sens que vous êtes, vous vous refusez mais au sentiment je vous aurais,
c’est ainsi que l’enseigne, qui nous embauche tous, tient à ce que nous vous considérions,
méfiez-vous de l’amabilité, ne pensez pas que cela ne nous coûte pas d’être aimables
ou disponibles,
il ne faut pas confondre, nous pouvons être agréables mais notre humeur est forcée,
et non ce n’est pas notre métier, notre métier c’est de faire du chiffre,
c’est de transformer ce panier, la loi de Lavoisier est reine sur ces carreaux, indicateur,
vous appartenez à des paramètres qui peuvent nous faire sauter.
Que derrière le rideau, nous nous prenons des soufflantes, que derrière ces portes ou tout à côté
des comptes se règlent et que des traits sortent tirés des visages,
la simplicité n’existe pas,
nous sommes les ordonnateurs et réciproquement, de ces sommes,
nous ne pouvons-nous résoudre à nous satisfaire, il, nous devons faire davantage,
pourquoi jouez-vous le jeu?
Ne venez plus les dimanches et
les jours fériés ainsi vous ne participerez plus à cet esclavage,
nous n’avons pas eu le choix,
nos plannings nous sont imposés, nous n’avons pas demandé à être ici, famille ou pas,
nous cumulons du temps, de la disponibilité et de la patience. Heures travaillées,
supplémentaires ou à récupérer, station debout prolongée, chaleur des lumières, du fond d’un air
peu sain, enclin est notre facing aux percées de stock, de vos mains que nous souhaitons nombreuses et généreuses, vous vous saisissez et un instant parfois un instant seulement, nous croyons à la vente,
à cette spontanéité de l’achat que ne prévoit dans vos esprits sereins aucun calcul mais que nous
envisageons, nous sommes à mêmes de nous en tirer car les choses sont mesurées,
quantifiées, prédites.
Je vous vois, je vous sens me regarder et ne pas m’écouter, aller dans votre sens,
dans celui de votre vague de celle que communément vous créez, vous êtes ensemble dans cet indivisible
masse, à même de nous faire chavirer, la bouche de notre antre clame
son innocence pourtant à chaque mouvement de vos pas dans la direction de notre gouffre,
vous entrez et entrez dans cette caverne,
dans cette échoppe où il fait bon être puisque tout est joli, tout est fait pour vous,
vous plaire et vous servir quitte à vous mentir un peu, à répondre à côté de vos questions
et à vous démunir.
Notre offre est redoutable,
vous êtes en nombre chaleureux yeux perdus, hagards, la carte de bleue souvent vêtue vous concède
cet achat mais de vos tensions, à vos mises de côté, nous n’avons que faire et vive le découvert,
qu’à ces montants, vous ne décolliez pas puis qu’à ceux-là vous soyez tous là,
à croire que l’on se guette,
que l’on se toise, que de vos remarques, rien ne puisse vous donner tort,
lors d’opérations nationales de mise à sac de votre argent, vous êtes là,
vous vous reconnaissez les uns, les autres,
vous êtes du même quartier,
derrière vos drapeaux, vos rues, vos banques vous êtes jumeaux, la même chose vous vous êtes offerte,
le même coloris, modèle, vous repartez sous votre bras, à votre main, en sac,
en plastifié est notre enseigne, emmagasinées sont vos transactions, à ces poignées pendent notre nom, accrocheur j’imagine,
aux couleurs de notre marque vous vous êtes rangés et à combien d’autres couleurs encore,
le jeu a des règles vicieuses que je suppose vous regrettez mais que pouvons-nous faire.
Sachons nous respecter,
les métiers sots ont disparus, la vente c’est un arsenal de technique, l’accroche, l’ancrage,
nous nous arrimons les uns aux autres, une bataille, des cessions, directif sans trop oser formuler
mais pas d’hésitation,
celle-ci est conspuée, foutue à la porte aux mêmes titres que les prétextes, nous n’aimons pas,
nous avons appris à nous battre contre vos oppositions, vos refus, vos objections,
au même titre que votre entêtement et vos passions pour un modèle ou un coloris que nous
ne faisons pas, que nous n’avons plus,
nous sommes là pour vous faire changer d’avis, pour vous inviter à vous plier,
pour vous donner la réponse que vous auriez voulu avoir,
vous êtes en proie au stress, au reste, il vous reste ?
Combien en avez-vous en stock ?
En avez-vous encore ?
Rupture et c’est la chute de votre air, je n’en ai plus,
la négation vous fait choir et vous met en colère, contre nous,
contre vous-même si vous aviez su vous seriez venus plus tôt, vous vous l’étiez dit,
il faudra que je passe, il y a de cela quelques jours, vous avez tardé,
vous êtes punis,
il n’y en a plus, nous n’en recevrons plus, c’est fini et de cette fin
sentencieuse qui rappelle combien
le jeu est cruel,
nous mesurons à quel point
il est vache.
IPPE sous avatar, 2014
Tête de gondole en harpie distille l’envie en paradis.
Quand nos paniers débordent d’appétit comme ultime cécité,
Nous voyons en miroir la liste, la vie en mémoire d’étiquettes.
Mirliton
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