From air

op

Entretien IPPE, auteur en résidence.

IPPE, entretien avec Stanislas, auteur, concepteur.

Questions ?

Détestation de celles-là et gloire aux mots des sanctuaires.

Qu’est-ce qui nous oppose ? Nous mêle ?

Je ne suis pas à même de lire ta technique, j’entraperçois, je reste à quai, avec les auteurs, en général, je reste au bord, de peur qu’ils ne délavent ou qu’ils pointent, aillent et eux-mêmes restent au bord, j’ai lu beaucoup de surface propres et bien trop nettoyées, j’ai lu des mots assemblés, décorés. Je relis mes pères et mères, j’ai piqué une tête dans l’eau de Woolf, ai posé mes pieds et ai osé respirer Poe, je me suis assise et j’ai écouté Kafka me décrire, de narrer un monde, mien. Nous sommes le sang mêlé de nos lectures fondatrices. Je ne te connais pas comme tu ne me connais plus, une parfaite, si j’ose utiliser cette rareté, coexistence.

Qu’est-ce qui te caractérise ? Nous confond ?

De ce qui fait toi ? Je ne sais pas, j’aimerais me caractériser de la sorte: Je suis caractérisée par ce que j’aimerais être, j’aimerais qu’on puisse tâter mes plumes. Nous sommes confondus par la perte, de celle-ci émerge une succession d’actions.La route est une forme de confusion, j’entreprends de prendre la route alors même que toi et moi la partageons déjà.

Tes mots ?

D’où qu’ils se trouvent je les trouverai ! Voilà ce qu’on aimerait se dire, traquer, être un bon chasseur, maîtriser son gibier, se déterrer et sans retirer du sol, rompre ni briser, extraire ces morceaux, des petits cailloux de mots, protégés du jour, inhabités, des bouts de terre accrochés à nos racines profondes, des morcellements de nous épargnés par nos mensonges et nos vents.

Ta terre ?

Sèche, aussi difficile à nourrir que moi, je m’attèle à ce qu’on ne puisse pas la fendre.

Tes noms ?

De combien, des nombres, des dits, des redits, des essayés, des portés, des synonymes, des traductions, des fêtes, des asexués.

Ton drapeau ?

Un dragon sur fond, je ne connais pas la couleur, je suis en train de le tisser, il est au-dessus, porté mais n’est pas achevé, il porte mon nom de famille, bref et en répétition.

IPPE ?

Isabelle Patrick puis la 1ére lettre de mon nom de famille et la dernière. Il m’a laissé, je n’ai pas supporté de le devancer, j’entends ses encouragements, auteur contrarié par une vie trop courte, il est de tous mes combats et de toutes mes recherches.

Tes a privatifs ?

De mes a je ne me prive, mais de cette privation, je ne suis pas, je n’aime pas ce qui bride, ce qui fait figure, le a privatif déterre et retire, il est libérateur, en tout cas pour les miens.

D’où écris-tu ?

D’un endroit que je connais, qui fut facile d’accès mais qui me demanda temps et volonté, de cet espace je suis la défenderesse, mes armes sont là, mes forces, mes fantômes le sont tout autant alors je veille, je ne suis pas contemplative, pas souvent satisfaite. Je vois mes phrases tomber et peine à les aider, observe la chute, la perte et ses déflagrations, amincis mes tendances mathématiques, laisse fondre mon sens de l’estime et ma méfiance, défais mes nombres, retape mes portes, enfonce dans le même temps mes volets, d’où je suis, je veux voir, être et partir, mes sons tous déformés, vilains et déjà vus qu’ils soient.

Ton obsession du nombre ?

Les dates ont raccourci l’espoir, racorni mes principes, les fondations de ma vie. J’ai été, un temps, obsédée par le chiffre, le résultat, comme les sportifs et leur temps, leurs exploits, pulvériser des chiffres pour détruire non pas chronos mais la fatalité redondante de ses dates. Percer, passer au travers.

Foi et hommes ?

La foi en ma terre sacrée » écriture », là où j’ai laissé le corps de mon père se vider de son sang littéraire, espérant qu’il se répandrait et nourrirait ainsi un peu cette terre, est profonde. Le besoin impérieux d’être seule, de me réparer seule, de m’affranchir, de me détourner de ces projections telles étaient les requêtes.La prononciation de la formule « je t’aime » est venue assez tard au regard des bouleversements antérieures subis par mon organe cœur et par mes rêves, de cette phrase, je n’ai pas eu d’unisson, un jeune homme en difficulté incapable de supporter pareille définition de l’attachement. Je me suis méfiée, et un jour, mes dents se sont serrées pour que ma bouche n’explose pas, à la question es-tu amoureuse posée par une amie, je n’ai pas été en mesure de répondre tant mon cœur s’était morcelé sur le cas de cet homme. Maintes fois j’ai pensé à lui, aux erreurs, pensais-je à cette époque avoir commises, aux fautes, aux impossibilités, j’avais honte et m’en voulais de ce cœur sauvage, je me revois criblée, toute à sa cause, dans l’obligation totale de quitter cet espace de représentation. J’étais mortifiée par mes pertes de contrôle.

From Air est un extrait d’entretien.