AVATAR,
« De combien de torchons me suis-je servie, sous ces morceaux j’ai adressé, pris, point d’imposture à mes échanges, je ne pouvais pas, j’ai tout d’abord porté l’uniforme, le cheveu épais, tiré, la silhouette juchée, j’ai engagé des conversations qui n’étaient pas des dialogues, que cela soit ma photo sur trombinoscope ou sur profil, j’ai usé d’avatars. Aucun abus de faiblesse, j’ai forcé le trait, pris le travail, me suis levée, me suis tenue, debout, devant ces gondoles, ces têtes, ces ilots de fortunes où aucun amerrissage n’est à priori prévu, de ces stands électriques, de ces fards éteints, j’ai fait ce chiffre tant attendu, j’ai donné de la voix, maigri, vêtue de cette image de femme, j’ai laissé. Après ce règlement de compte personnel, de ce magasin immense, je suis sortie, ai tapiné ailleurs, dans ces lieux de rouge, à mon départ final, je l’ai vu, là, ne suis point revenue en surface. Cette année de suite, après l’avortement de poursuite, j’ai pensé à mes racines, à mon sol, à cette mutation. A cette ville sophistiquée j’ai apporté la terre, une entorse peut-être, j’étais cette personnalité, cette identité physique à cette morale, quel temps fou passa. Un embarras sur mon portrait, pas de signe distinctif, la faillite de l’entreprise emmena la clé, à cette clé était adossé, alité les biens de mon toit. Mes cartons d’avatars plein à craquer sont venus me rendre visite en ce mois passé, sous mes torchons, mes rides, sous ma terre, mes mains. Je prends, j’entame ce sol, étranger et meuble, je vois mes plants, sans m’indigner devant ce pied du mur, ni je ne compte, ni je ne prie, je construis, élabore, étire, à ce feuilleton littéraire, je donne cet air, quand les murs tombent, quand les dossiers séjournent, je pose mes peintures d’or, mes sons brillants sur les traces de mes avatars neufs. La voilà drôle cette idée de démasquer, à cette origine, je suis suspendue en effet, mon nom est ma cachette secrète, que pourrait-il bien vous dire, à qui s’adresserait-il, encore que, je n’ignore pas, j’ai scindé ces mondes tant de fois, un refus d’apparaitre, de me montrer à visage nu, donner peu d’informations, oui, Artopolis, 1996, Mlle Spritze et ces noms, ces titres, j’ai conçu mes techniques identitaires. De ce nom véritable, j’avais peine à signer, de cet identité de papier, de CV, je ne voulais pour auteure. Des jours entiers, j’ai dessiné, reprisé, regardé, de ces formes de livres, je me suis parée, de ces œuvres, de ces fragments d’éternité je n’ai plus souhaité me départir. De ces disparus, je porte le nom, alors, ai-je dis lorsque j’ai su que l’on me nommerait, dans ce vrai radical, je veux bien puisque cet espace nouveau est mien et que de cette nouvelle ville je suis résidente, alors, soit, que mes avatars prennent et me donnent cette couleur de vie, qu’ils assomment, transpercent cette cloche, ce nom si dense à porter, ce nom de père, ce nom de frère, je suis. »
Isabelle Pompe, conceptrice, auteur de Ruhe- Le Cirque.
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