IPL c’est une certaine idée du sigle, un travail de recherche sur la vraisemblance et le code. La raison a tout cela? Une histoire de famille. Elle est le fruit d’un arrangement avec l’Histoire. Mon nom est un emprunt. Depuis trois générations, nous avons vécus dans l’invisibilité la plus grande, pour avancer sans être vu, sans dire et persister dans cette vie sans tenter de nous connecter avec notre histoire « vraie ». Nous nous le sommes tous inconsciemment promis. Alors, j’ai entrepris une forme d’étude sur mon propre cas. Je me suis demandée si cette stratégie du secret tenait encore le coup et si, cette observation pouvait révéler les mensonges et secrets inconsciemment inscrits en moi. L’autoportrait s’est révélé être un excellent premier outil photographique pour mener à bien cette étude.
L’autoportrait
La question du gros plan
l’autoportrait n’est, selon moi, pas l’ancêtre du selfie. Il est l’expression de la quête. Nous sommes pour nous-même la seule matérialité disponible 24h24 certes mais l’autoportrait n’est pas une démonstration, au contraire il est une interrogation. Sa scénographie ne repose pas sur le même langage que le selfie. Il est intime et confidentiel. Il sert à structurer notre conscience du monde. Il est une trame narrative qui traduit notre transformation et qui, hors de nous, continue d’évoluer.
Voir, pour essuyer et pouvoir revoir.
Un monologue intérieur
Exprimer l’indicible, la souffrance et la puissance des images auxquelles j’ai été confrontée. Graver, une image, une scène, ou quelques séquences d’une vie. Comment sont-elles parvenues à s’inscrire dans mes tissus ? Le sont-elles réellement ? Montrer un visage et un corps comme élément factuel, une épreuve et observer si les faits ont bien eu lieu et s’ils sont perceptibles au 1er coup d’œil ? Ai-je bien été là ? Les éléments de plaisir, de joie, les instants tragiques se sont-ils bien produits? Et qu’ai-je fait de tout cela?
Qu’ai-je fait de ces instants révolus et passés? Que reste-il de moi après le passage de ces images ? Que reste-t’il encore de moi? Comment mes personnages féminins se sont-ils croisés? Se sont -ils reconnus? Que voit-on surgir, qui peut nous trahir? Nous faire défaut? Comment les personnages avancent en nous? Les uns après les autres? Comment s’imbriquent-ils? Quelle histoire personnelle et familiale peut-on comprendre ou percevoir à la lecture de ces images? Qui prend place en ce moment même?…
J’ai ensuite ouvert mon champ investigation aux portraits féminins et ai questionné leur fictivité à un endroit.
Les yeux, une place capitale
Après avoir ordonné mes recherches sur le visage et son contexte d’apparition, mon travail s’est focalisé sur les yeux, comme place capitale. Là où se sont passées, nichées les scènes, là d’où j’ai été traversée, percutée. Les yeux derrière un écran, comme moyen de protection, comme couche supplémentaire pour isoler la vraisemblance et la virtualité.
Le regard d’actrices
Tout d’abord les yeux d’actrices, cachés sous un maquillage, mi-clos, nous livrant que peu d’informations, proposent un paradoxe. Ils sont obscurcis de manière superficielle mais cet habillage révèle, intrigue, préserve. Le regard c’est aussi l’inaccessible et le secret.
La zone du regard comme le siège de toutes les batailles, comme l’endroit le plus assombri, le plus meurtri et le plus vivant.
Là où s’inscrivent des émotions, des ressources, là où naît un langage quasi autonome. Pouvons -nous tout dire depuis cette zone? Sommes -nous capables de mentir à cet endroit de nous? Derrière le désir, la séduction qui peut ressortir de ces visages, derrière leur « beauté », que disent ces femmes d’elle-même et à qui s’adressent-elles?

Petit à petit, je crois que je commence à saisir : je résulte d’un faux, autonome et à même de produire. L’application à la lettre de notre encodage familial me révèle des informations, je me méfie de ce que l’on me montre et me tourne, avec un air de défi, vers toute forme de visibilité. Mon travail se poursuit ainsi depuis 2014 et n’a eu de cesse de m’aider à interroger ma perception et ma propre réception de celle-ci.
La prochaine approche du portrait reposera sur la question de notre propre traduction. Le portrait est-il réellement un outil de communication? De valorisation? Quel est son usage? Quelles marges et quelles négociations sont -elles à l’œuvre? Que sommes nous capables de montrer? Etc..
IPL, février 2019.
superbe réflexion !
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Merci beaucoup pour ce retour, au plaisir de vous lire.
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