Accostons, ensemble, sur une rive cinématographique, celle des sociétés de production et distribution américaines. Aujourd’hui, dans notre épisode 1, focus sur Orion !
Retours sur une nourriture visuelle qui marqua plus de deux décennies…
Pour toutes et tous cinéphiles, l’attention prêtée à cette constellation, gage d’exigence, d’expériences voire d’épreuves notables, en tout début de film, était soutenue et espérée.
En outre, elle possédait quelques vertus, celle de nous rassurer -nous étions au bon endroit- de nourrir notre impatience, d’exciter notre curiosité, pouvait s’extraire de notre bouche, un « enfin » ou un « chut », car un pas sérieux vers d’autres univers était, alors, en jeu!
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Orion Pictures représente un catalogue important, éclectique, où culture populaire et œuvres marquantes se côtoient sans aucune difficulté!
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Orion Pictures est une société de production de cinéma américaine, créé en janvier 1978 sous la forme d’une coentreprise entre Warner Bros et cinq anciens cadres dirigeants de United Artists:
À la fin des années 1970, des différends avec la direction de Transamerica Corporation, la société qui avait acheté United Artists en 1967, ont conduit Benjamin, Krim et trois autres dirigeants de studio, Eric Pleskow, William Bernstein et Mike Medavoy à démissionner de United Artists en janvier 1978, formant Orion Pictures un mois plus tard.
- Arthur Krim – United Artists (1951-1978) et Orion Pictures (1978-1992). Plus de quatre décennies en tant que directeur de studio de cinéma, l’une des plus longues carrière de l’histoire d’Hollywood.
- Robert Benjamin – Ancien co-président d’Orion Pictures et ancien co-président de United Artists, Robert Saul Benjamin a commencé sa carrière en tant que clerc en 1925.
- Eric Pleskow – Sous sa présidence chez United Artists, la société a remporté l’Oscar du meilleur film trois années de suite: Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), Rocky (1976) et Annie Hall (1977).)
- William Bernstein – Pendant son séjour chez United Artists, Bernstein a été impliqué dans la négociation et l’acquisition des droits de la franchise « James Bond », le financement et la distribution de la franchise « Rocky », ainsi que d’autres films à succès et acclamés par la critique, tels que Vol au-dessus d’un nid de coucou », « Pink Panther » et « Midnight Cowboy ».
- Mike Medavoy – Cofondateur de Orion Pictures en 1978, il a également été président de TriStar Pictures et chef de la production pour United Artists entre 1974 et 1978. Il est actuellement le président-directeur général de Phoenix Pictures (Zodiac, Shutter Island, Black Swan).
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Attention, les yeux, l’affiche de Prince of the City, du grand Lumet, sorti en 1981
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En février 78, les cinq hommes ont conclu un accord avec Warner Bros, les dirigeants ont formé Orion Pictures Company, du nom, de la constellation, qui avait, selon eux, cinq étoiles principales.
En fait, plutôt, sept… Ses sept étoiles les plus brillantes forment un nœud papillon (ou un sablier).
Fin mars 1978, Orion signe son premier contrat. Un contrat de deux films avec la société de production de John Travolta.
D’autres contrats avec l’actrice et réalisatrice Barbra Streisand; les acteurs James Caan, Jane Fonda, Peter Sellers, Jon Voight et Burt Reynolds; les réalisateurs Francis Ford Coppola et Blake Edwards; le scénariste et réalisateur John Milius; le chanteur Peter Frampton; et le producteur Ray Stark se matérialisent rapidement.
Un an plus tard, en 1979, l’un des fondateurs, Robert Benjamin décède en octobre.
Le premier film d’Orion, A Little Romance, de Georges Roy Hill, sort en avril de la même année. Plus tard cette année-là, Orion a sorti 10 de Blake Edwards qui est devenu un succès commercial, le premier pour Edwards en plus d’une décennie (en dehors des épisodes de la franchise la Panthère rose).
D’autres films sortis par Orion au cours des deux années suivantes incluent quelques succès tels que Caddyshack (1980) d’Harrold Ramis et Arthur (1981) de Steve Gorden; The Great Santini (1979) de Lewis John Carlino avec Robert Duvall et Prince of the City de Sidney Lumet (1981);
Lumet
Ce film, basé sur le livre de Robert Daley, aurait tout d’abord été abordé comme projet par Brian De Palma qui pense à John Travolta pour incarner le personnage central, Bob Leucy, policier de la brigade des stupéfiants de New York.
Avec le renvoi de Brian De Palma par Orion Pictures, Sidney Lumet est engagé. Il accepte le projet à deux conditions : choisir un acteur inconnu pour le rôle principal et avoir un montage d’au moins trois heures. C’est donc Treat Williams qui est choisi.
Ce film de 2h47, est une grande réussite de Lumet, Treat Williams y excelle. C’est un cinéma urbain, moral et politique, dont l’action se déroule dans une ville qu’il connait très bien, New York, Lumet explore la corruption policière, les institutions et livre une critique amère de ces écosystèmes…
« Comme Serpico huit ans avant, Prince of the City est basé sur une histoire vraie, celle d’un flic new-yorkais qui assista en 1971 les fédéraux dans une enquête de corruption de fonctionnaires de police. Et comme pour Serpico, c’est le grand Sidney Lumet qui récupère le projet et en coécrit le scénario. « Source
En 1982, Orion fusionne avec Filmways, Inc. et devient un distributeur indépendant sous le nom de Orion Pictures Corporation. Le logo de la société est une animation de la constellation d’Orion.
Au début de 1982, Orion avait rompu ses liens de distribution avec Warner. Dans le cadre de l’accord, les droits des films d’Orion réalisés jusque-là ont été vendus à Warner.
Orion et la production télévisuelle: Le plus grand succès télévisé d’Orion a été Cagney & Lacey, qui a duré sept saisons sur CBS.
En 1983, Orion Pictures a introduit la division art et essai Orion Classics avec des cadres qui avaient précédemment dirigé United Artists Classics.
Coppola & Forman
Sorti fin 1984, en France en 1985, Cotton Club (The Cotton Club), film musical américain réalisé par Francis Ford Coppola, ne marque pas les esprits. L’histoire de ce club, à Harlem, en pleine prohibition (1928), est aussi celle d’un trio qui peine à travailler ensemble, Robert Evans, Mario Puzo, et Coppola.
Volontairement différent du Parrain, le rythme, l’impression très artificielle offerte par les décors et les scènes du films, ne trouvent pas d’échos très positifs et n’emballent, décidément, pas les publics.
En septembre 1984, Orion distribue Amadeus, qui reçoit de nombreuses distinctions, remportant huit Oscars, dont celui du meilleur film.
Réalisé par Miloš Forman, ce film est une adaptation de la pièce de théâtre du dramaturge anglais Peter Shaffer, qui signe également le scénario du film, l’histoire s’inspire librement d’une courte pièce de Pouchkine, Mozart et Salieri (1830).
Le film est nommé pour 53 prix et en reçoit 40.
« Rares sont les cinéastes au monde capables comme [Milos Forman], de dresser tout à la fois le portrait d’une époque, d’une société, et d’y figurer le pouvoir, la Loi, la transgression et le génie de la création, grâce à une mise en scène en costumes et en musique comme le cinéma, depuis longtemps, ne nous donne plus tellement l’occasion d’apprécier.
Les cahiers du cinéma n°365, novembre 84. «
Cameron
Sorti en 84, The Terminator arrive, dans les salles françaises, le 24 avril 1985, où il est interdit aux moins de 13 ans. Il reste en tête du box-office parisien pendant trois semaines avec 492 489 entrées.
« Ce premier épisode est un modèle du genre (…). James Cameron se contente de faire vibrer les nerfs, et comme il n’accorde pas le temps de respirer, on marche à fond ».
Journal Le Monde, Colette Godard, 27 avril 1985.
James Cameron signe le 1er opus de la saga et T2 le jugement dernier qui sortira en 1991. A noter que James Cameron offrira à Mickael Biehn aka Kyle Reese dans Terminator, un rôle dans Alien le retour en 1986 et un dernier rôle avec le cinéaste canadien en 1989 dans le film de science fiction Abyss.
Grand Prix au festival d’Avoriaz en 1985, il ne remporte aucun prix aux Etats-Unis. Terminator est, cependant, indissociable, par son univers post- apocalyptique, de la série des Mad Max dont le 1er opus de la série est sorti en 1979. Pour parfaire la boucle, on relie ce dernier à Point Limite Zéro de Richard Sarafian (1971) car il s’en inspire sur plusieurs aspects, à tel point qu’on peut le considérer comme un hommage à l’œuvre de Sarafian.
- NB/Mad Max doit attendre janvier 82, soit près de trois ans après sa sortie en Australie pour être distribué en France dans des salles traditionnelles, obtenant une interdiction aux moins de 18 ans lors de son examen par la Commission de classification des œuvres cinématographiques, mais est amputé de six minutes. Il devra attendre une ressortie en 1983 peu de temps après le succès en salles de Mad Max 2, pour que le film soit visible en version intégrale sur le territoire français.
- Ce qui nous laisse, en France, en à peine trois ans (1982 – 85), trois films: Mad Max, Mad Max le défi et Terminator qui deviennent, par le fait, indissociables dans la culture populaire. Source d’influences, ces trois long-métrages ont été largement repris, salués, au point d’impacter d’autres formes artistiques.
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En 1985, aux Etats-Unis, seuls, Recherche Susan désespérément ($27.3 million USD pour les USA) de Susan Seidelman (avec Madonna) et Code of silence d’Andrew Davis avec Chuck Norris parviennent à être des succès commerciaux pour Orion.
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Dès janvier 1986, une tentative de contrôle du conseil d’administration, plutôt périlleuse pour les cadres d’ Orion, est lancée par Mario Kassar et Andrew Vajna (Carolco pictures) , producteurs des films Rambo, alors qu’ils tentaient d’acheter, pour 55 millions de dollars, des actions du studio par l’intermédiaire de la société du duo, Anabasis.
1986, c’est l’arrivée de Metromedia contrôlée par John Kludge qui investit et achète une participation de 6,5% dans Orion.
S’ouvre, alors, une nouvelle ère…
Allen & Stone
Les offres d’Orion en 1986 totalisent 18 nominations aux Oscars, plus que tout autre studio.
En mars 1987, la fortune du studio a considérablement augmenté avec une succession de succès critiques et commerciaux, dont Platoon (qui a finalement remporté un Oscar du meilleur film), Hannah et ses sœurs de Woody Allen et le film sportif Hoosiers.
Platoon– film de guerre américano-britannique écrit et réalisé par Oliver Stone, sorti en 1986. L’action se déroule pendant la guerre du Viêt Nam.
Platoon est un récit d’initiation (…) mis en scène avec une force et une précision réalistes incomparables.
Positif N°314, avril 1987
Hannah et ses sœurs
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« Elliott et Hannah forment apparemment un couple sans histoires et vivant dans l’aisance, avec les deux enfants du premier mariage de Hannah avec Mickey, producteur de télévision hypocondriaque. Mais Elliott est secrètement amoureux de la sœur de Hannah, Lee, qui vit de son côté une relation pesante avec Frederick, un homme plus âgé qu’elle, qui se révèle être un artiste peintre résolument misanthrope. La troisième sœur, Holly, est un peu la « ratée » de la famille en raison de son instabilité amoureuse et professionnelle. »
Œuvre charnière et succès commercial pour Woody Allen, Hannah et ses sœurs est un film subtil où contradictions de chacun, affections inconscientes se mêlent pour nous offrir un expérience cinématographique passionnante.
Verhoeven
En 1987, Orion a connu un nouveau succès avec RoboCop et No Way Out (Sens unique) de Roger Donaldson avec K. Costner et Gene Hackman.
On s’abstiendra de commenter Sens unique car il y a longtemps que je ne l’ai point revu…
En revanche, RoboCop, diffusé sur Arte le dimanche 5 février 2023, mérite un peu d’attention car ce film possède une structure bien singulière…
Premier film de science-fiction de Paul Verhoeven, « Robocop » marque en 1987 les débuts fracassants du cinéaste hollandais à Hollywood. Avant de réussir son entrée en terre américaine, Il a signé quelques pépites en son pays (Turkish Délices, le très érotique Spetters).
RoboCop est un succès commercial et récolte 54 millions de dollars au box-office pour un budget initial de 10 millions de dollars.
Paul Verhoeven s’exprime sur le film
Invité récemment à la Cinémathèque française dans le cadre d’une rétrospective qui lui était consacrée, Paul Verhoeven a donné une explication de texte de RoboCop, son second film à Hollywood après le réussi La Chair et le Sang : son cyborg est une allégorie de la résurrection du Christ.
De fait, son personnage principal, un policier tué en service (Peter Weller), « renaît » en robot destructeur. Ses aventures de justicier accouchent d’une satire en règle de l’omnipotence des médias, de la privatisation sauvage et de l’ultra-capitalisme sous l’ère Reagan.
Vous l’aurez compris, dans un futur proche, le calvaire d’un policier, supplicié puis ressuscité, emprunte plusieurs stations de la passion du Christ. Ce tableau effrayant d’une société américaine minée par la violence et la corruption se révèle une satire politique des Etats-Unis des années 80.
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La thèse de la parfaite symétrie
« Si vous regardez des films, vous avez probablement remarqué que la structure du récit reposait généralement sur une structure en trois actes. Cette recette a été amendée pour les blocksbusters par Blake Snyder. »
« lorsque Snyder publia son livre en 2005, ce fut comme si une explosion dévastait Hollywood. Il offrait quelque chose qui manquait aux précédents ouvrages des gourous de l’écriture scénaristique. Au lieu d’une vue d’ensemble de la façon dont un scénario se tient, il décomposait la structure en trois actes en un «descriptif des points forts» détaillé, soit les 15 événements pivots indispensables à l’histoire, puis attribuait à chacun d’entre eux un nom et un numéro de page. Sachant que chaque page d’un scénario correspond normalement à une minute de film, cela faisait du guide de Snyder une recette d’écriture de film, minute par minute.» Source Slate
« Mais pour le Robocop de Paul Verhoeven, nous sommes face à un chiasme cinématographique selon un cinéphile américain. Mis à part une seule exception, le film du réalisateur néerlandais, sorti en 1987, serait en effet complètement symétrique. Le travail d’analyse effectué sur le blog The Deja Reviewer est stupéfiant.
Son auteur a découpé le film quasiment scène par scène, plus précisément en 34 moments clés, et montre comment, du début à la fin, du titre au générique de fin, le film est complètement symétrique autour de l’arrestation d’un des bad guy du film, comme s’il avait une balance au milieu du récit. Comme une mise en équation de la lutte entre le bien et le mal. » Vous pouvez consulter cette analyse : ici « RoboCop is an almost perfectly symmetrical film
Court extrait : « The Old Testament is full of examples of chiasmus, which is a figure of speech used in ancient times to emphasize balance. It lists a bunch of ideas or things and then repeats each of them in reverse order. It’s often not an identical repetition. It frequently uses the opposite of what came before or something similar to it. »
Le Chiasme ?
Le chiasme (qu’il faut prononcer kiasme) a mis du temps avant d’être reconnu en tant que figure de style. En effet, aucun auteur des manuels de rhétorique antique ne l’évoque. Cependant, le chiasme était tout de même abondamment utilisé, sans être classé comme une figure de style, surtout dans les textes religieux. Le chiasme permet de mettre en parallèle des éléments et de créer ainsi des effets d’opposition, des liens de cause à effet.
« Ainsi, les textes religieux, riches en leçons de morale, ont beaucoup utilisé le chiasme. Par la suite, cette figure a été largement utilisée en poésie, pour l’effet de rythme qu’elle crée, et les parallèles inattendus qu’elle peut engendrer. Les romantiques, en particulier, ont apprécié et employé cette figure qui leur permettait, au sein d’un même vers, de montrer des contrastes importants entre différents éléments. »
RoboCop Vs Terminator
Tout simplement, les deux films portant sur des machines humanoïdes sont produits par la même société de production, Orion. Par ailleurs, Paul Verhoeven n’hésitera pas à glisser un subtil clin d’œil au long-métrage de James Cameron, en intégrant un morceau de la bande originale de Terminator dans son film.
Mais l’intime connexion entre les robots ne s’arrête pas là. L’auteur Frank Miller, scénariste de RoboCop 2 et 3 (bien moins réussis que le 1er du genre), et plus tard célèbre auteur des comics Batman Dark Knight, a écrit en 1992 la bande-dessinée RoboCop versus The Terminator. Une preuve que les deux cyborgs avaient tout pour évoluer dans le même univers !
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¨On aimerait faire une suite avec un prochain article consacré à une brève histoire de la production cinématographique américaine: Orion, épisode 2 de 88 à 1995, puis faire un tour chez Carolco Pictures, 1976/95… Nous verrons!
Au plaisir,
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