Stop the colors ?

Nous avons des chiffres fétiches, des jours chétifs, des dates clés. Avec un soupçon de recul, j’admets que mes derniers mois de 2022 m’ont fait connaître une navigation délirante.

De cette année écoulée, je me revois mirer les axes, au loin, les possibles projets, ces mois avançant neufs, et, moi, en fuite plus qu’en mouvement, ne parvenant pas à composer avec cette nouvelle chronologie.

J’ai entendu, en décembre, cette phrase: « votre corps est un navire sans capitaine. » Je ne sais à quelle saison ai-je perdu la tête, ni où j’ai déposé mon corps, ni comment j’ai pu effectuer cet agenda.

Est-ce un canot ? Les réponses n’ont pas ramené leur fraise. Si, de là où vous êtes, vous me voyez, dites-le moi.

Sensation de perte de vitesse, ma main glissante dans ces eaux froides, peut-être était-ce une étreinte.

Les interruptions et climats d’incompréhension de l’année 2021 n’ont pas offert un terreau vital pour celle qui suivi.

Lui, le créateur de surprises, je ne sais toujours pas, la communication par coursives, indirecte, encore, ne m’a pas ouvert grand les yeux, je garde, donc, ces émotions avec moi.

Il est là mais tout se passe de manière interposée. J’ai espéré lire, être rassurée, mais les affolements de celle qui avait trop de 2, a fait s’évanouir, je crois, l’attente.

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Fin octobre, je recueille un geste d’un être qui rôde, je recouvre cette énergie de fines couches d’espoirs. Me dirige, invite, réponds, même aux questions les plus indiscrètes.

J’accepte de me vulnérabiliser toutefois j’en redoute l’inconfort. Les jours sont lents, je vis mal ce ralenti, il occupe mon esprit et m’obsède. Je suis pressée d’avancer.

Le contrôle me réclame à bâbord mais il m’est impossible de quitter mon poste, j’essaie à tout pris d’assurer mes arrières, trop longtemps négligés.

Quel cap sera le mien ? Incapable, je suis de répondre, il calme mon sol, précieux instants, nourrit, retient ma cheville.

C’est alors que je vois dériver celui à qui je tiens tant, il me salue bien, il lève son siège, occupé depuis près de 10 ans. Un évènement majeur, il fiche le camp, prend son envol sur ses dernières images mémorielles.

Tout va, dans la foulée, disparaître

A lui tout seul, n’est-il pas une déferlante!

Bouger, à cet instant, revient à riper, impuissante, je ne peux lui offrir la démonstration adéquate, l’ultime caresse. Entravée, les heures perdues dans une histoire sans joie, cela m’anéantie.

La colère, à ce moment précis, la peine va faire la peau à mes jours dits de fêtes. En boucle, j’erre, abrutie par cette disparition inattendue, agacée par mes redites avortées.

Noël, un mirage, une chimère, ce jour de 27 décembre, voilà 9 ans, je ne peux être digne de cet atroce anniversaire. S’il me voyait, amoindrie par un inconnu, affaiblie par cet autre, il s’épuiserait de douleur.

Mes excuses ne suffiront pas.

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Les mois de novembre et décembre ont été une faillite, poignante mais alors que j’étouffais la semaine d’entre Noël et le Jour de l’an, j’ai débarqué jusqu’ici, jour de janvier tout dernier de l’année qui suit.

Mon vaisseau pour corps sans tête a du chavirer. Ce n’est pas la confiance en la mer qui l’a porté jusque là, je ne me souviens plus de mouvements précis, mon dos me confirmait les secousses, j’ai vacillé, mon embarcation n’a pas coulé, là, seules des couleurs forment cette berge que je n’identifie pas.

Constellée de coups de feutres, je la trouve bariolée, étrange, le mélange, ainsi, formé, bouge, tourne, je ne sais pas quel est ce littoral, où se trouve ce bord contre lequel je suis appuyée.

Dans une sorte d’ordre, sont remontées à la surface, ces bleus, ces noirs, des verts, roses et tous ces blancs. Des mouvements alternatifs, passant de l’agitation, de l’ardeur au plus plein des équilibres.

Les Magiciens, Blexbolex

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Une année ancienne, celle désormais révolue, m’a mise à rude épreuve, nerveusement. Le calme ne m’a pas fait signe, le stress, les disparitions et ces êtres qui me demandaient : comprends-moi, ont figé mes horloges.

Pas d’embarcadère devant moi. Le plein, le vide, le brouillard mais sans obscurité, j’ai vu, chaque mois, le chatoiement des évènements, un halo, des loupiotes mais pas de néon.

Un air extérieur, un grand espace structuré et complexe à l’instar d’un puzzle.

Les illuminations scénarisées de fin d’année me donnaient des sourires jusqu’à ce qu’elles m’angoissent, que ces « chaque minute » absorbent mes énergies, mangent ma colonne, fassent plier mon squelette.

Janvier 23, un lit, faible, des lampes, l’envie de parler me disait au-revoir, je franchissais cette entrée de chambre comme l’on quitte un territoire. Les choses se sont calmées, les jours passent, matin, soir mais je me sens à la peine question clarté. Je me raccroche à ces allumettes, à ces bougies qui bouffent l’air et sonde les étincelles.

Le calendrier se coupe en cases, à priori disparates mais visiblement très souvent bien ordonnées. Les mois où je parle, je travaille et les arrêts, que sagement on nommerait pause, poliment, interruption.

Mes bulles composent des outrages à mes règles, je refuse d’obéir à mes spasmes calendaires mais elles trouvent un être extérieur à ma vie, l’accroche à ma barque, puis fabriquent des morceaux de vie qu’elles étirent.

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Toute la complexité tient en le fait de trouver les protecteurs, ceux qui aligneront le contraste, saisiront les couleurs les plus libératrices pour me lancer leurs cordes.

Autour de moi et de mon bateau, je ne distingue pas le nombre d’attaches qui, tombées à l’eau, n’ont eu, sur moi, que peu d’effets.

Je ne sais pas, à quel instant, j’ai délivré, à la mer, mes sacs chargés de chagrin, où se penchait ma douceur, quelle était la profondeur de l’eau, encore moins sa couleur, je ne me rappelle pas ce voyage, je sais, seulement, que le temps a passé.

Malgré ce gros coup de fatigue, je ne vois pas de dégâts apparents sur ma coque, rien de froissé, pas de vertige, j’en déduis que mon centre de gravité me permet stabilité.

J’ai repris le chemin vers mes mots le 24 janvier, il y a tout juste une semaine, en y déposant à la lecture un épisode choc. Quelques cauchemars plus tard, le retour en arrière vers un endroit supposé calme tapait du pied: Opening scene se fait tout seul. Pourtant, je m’y dévoile et j’embrasse mes axes.

« Isabelle, n’oublie pas d’où tu viens. Ne minore pas l’importance de l’enfance dans tes approches, dans tes moments de doutes. Ne t’interdit pas d’en parler. N’oublie pas ces couleurs à qui, tes yeux encore vierges, offriront l’hospitalité, car tu sais, très tôt, qu’elles te serviront d’ancrage des années durant. »

Cette sensualité, cette noirceur, ce trait unique, cette fluidité dans ses dessins, cette magie de l’animation, quel plus beau traducteur du monde des émotions que ce spécialiste du mouvement, qu’est Don Bluth!

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MERCI à l’univers de Don Bluth, artiste exceptionnel, anti-Disney, mélancolique, espoir désanchanté, technique irréprochable, à l’esthétique splendide…Brisby et le secret de Nymh, Dragon’s Lair, Space Ace, Fievel et le Nouveau Monde, Le petit dinausaure et la vallée des merveilles, Charlie mon héros

En images: Perfect Blue (Satoshi Kon), Space Ace (Don Bluth), Les magiciens (Blexbolex), Dragon’s Lair (Don Bluth).