Alors que les projets au sein desquels je m’inscris connaissent, parfois, des jours heureux, il reste cependant complexe de maintenir une cadence, un rythme sans engagement formel.
J’écrivais, à la fin des années 90, « Il n’y a pas de nécessités vitales, seules d’absolues certitudes ». De quelles certitudes pouvais-je bien parler ? Celles d’avoir perdu, d’enrichir ses dimensions pour pouvoir créer, d’inventer pour parvenir à survivre ? Nous savons que la notion de « certitude »est subjective, c’est une perception du sensible différente de la vérité. Soyons vigilants donc avec nos certitudes…
Partir en exploration pour mesurer les liens, tenter l’inconnu pour comprendre que les matières sont, peut-être, connectées, voici ce que cette confirmation aborde. Depuis mes points de départ, je précise et j’éclaircis. Depuis ma cinéphilie juvénile, j’ai eu soif d’images et de sons, de narrations et de plans. Étapes par étapes, je ressens cette impression de construit, je dois me parachever. j’ai compris, assez tôt, je crois, que mes seules issues tiennent en cette volonté de polir.
Ruhe-Le Cirque
Cette proposition collaborative a connu des instants constructifs et d’autres plus graves. Elle était toutefois salvatrice et nécessaire. Telle une mise au travail les bouchées démultipliées, j’ai voulu rassembler pour ouvrir, densifier. Travailler en préservant l’ombre tel était le leitmotiv. Les distances réelles ou pas ont eu raison de cette approche, en partie, à cause d’ évolutions, de différences de rythmes et de disponibilités devenues relatives. Ma pratique première comme un monde premier est l’écriture, l’image est, selon moi, une autre rédaction. A partir de cette initiative collective, mes mondes sont devenus moins étanches. La volonté première a été constructive puisque j’ai aiguisé, dans l’ombre, mes espaces.

Après, des idées à la suite, des inputs en provenance de mes singularités ont refait surface. Les questions de la fétichisation, de la féminité ont ouvert la voie aux notions de territoires territorialisés. Des vases communicants ont véhiculés les émeutes de mes pensées.
La femme trophée
TAPKU ou la problématique de la femme comme objet captif de sa fictivité. Un trophée à la fois personnage dépossédé et objet de narration. Recherche photographique entreprise en 2015/16 avec des portraits et auto-portraits.

L’objet obsédant & Possesseur
ODC (l’ordre des choses – Photographies en trois tomes sur la thématique de l’objet dans toute son obéissance, obsolescence et ignorance). Recherche photographique initiée en 2018, exposée en trois lieux avec pour volonté principale une monstration évolutive au grès des diversifications des propos et des publics.
Les territoires habités
Cages à Suées (les dernières traces de cabines téléphoniques hexagonales). Une recherche photographique proche du documentaire entreprise de 2014 à 2018. La cabine, un édicule en proie à l’espace public, est devenue une espèce, un sujet de préservation, de conservation et de récolement. Observer le passage de l’existant obsolète à l’invisibilité, de l’inutilité à la disparition. Elles aussi ont vécues, ont recueillies. Explorer la notion d’attachement.
ANORAK
Le projet en phonographie, émergé tout début 2019, Anorak (Foto und Ton) se voit reporter à une période ultérieure faute de moyen matériel pour finaliser sa réalisation, conception. Sans concrétude, il n’est pas montrable, présentable. Un concept peut-il se suffire à lui même ? Et ai-je encore envie de puiser dans mes ressources pour mener à bien une idée qui requiert un temporalité aussi lente ? Je possède, par ailleurs, une vision très précise de ce que j’aimerais proposer. De plus, j’ai toutes ces bandes enregistrées et ces banques d’images constituées à partir de mes archives photographiques, j’ai, dans la même temps, l’impression que ce protocole attend davantage d’engagement de ma part.

I only ask for decency
Constitué à partir des écrits précieux élaborés sous l’intitulé, Riffs de rigueur, la requête, I only ask for decency, fera l’objet d’une publication. Prévue initialement en 2019, elle pourrait être reportée en 2020. En reprenant la technique de solarisation et en l’ajustant à une écriture, j’ai souhaité modifier ces Riffs temporairement grâce à l’image.
La solarisation est un phénomène physique de modification temporaire ou permanent de la couleur ou de la transparence d’un matériau lors de son exposition à un rayonnement électromagnétique.
Decency est à entendre par honnêteté.
Dès mon propre territoire jusqu’à tous ses réajustements, ses contraintes pour parvenir à ce qui est non-négociable, voici comment j’en suis arrivée à dégager, de mes décombres, une maisonnée aux portes nombreuses : créer des ponts, poser des questions, donner lieu, présenter, soulever et produire.
Occasions
Projet photographique en cours, Occasions est la source iconographique de #sitespecific. Des images prises, choisies qui font figure d’occasions narratives au projet lui-même. Elles sont visibles depuis le compte Instagram sous l’intitulé @photography specific. Une publication est programmée pour 2020, la forme est encore à préciser.
#Sitespecific
Ce projet symbolise toutes les portes ouvertes et fermées, tous les esprits novateurs et clos qui se sont présentés à moi depuis mon arrivée en Seine-Maritime en 2014.
La fin d’une époque et le renouveau à partir de ce rien, un fond austère et méfiant, des difficultés jugulées par cette toile…Valoriser un territoire larvé c’est aussi se valoriser soi, pour ses initiatives, ses quotidiens de jours et de nuits. Dire, lancer, impulser des propositions pour ne pas s’endormir et disparaitre sous un flot d’insatisfactions et de frustrations, voilà la genèse de ce projet: rester en vie, sur cette rive gauche adoptive.
C’était le point de départ en 2014 avec Ruhe-Le Cirque, puis, avec le temps, les choses se sont accrues, les mises à l’épreuve recherchées ou attendues se sont plantées là. Il m’a fallut composer avec, en tirer profit.
#Sitespecific c’est l’hyper vie, la vie sous les regards, sous les jugements, où le silence, le défaut de motivation, de mobilisation peuvent faire rage.
#sitespecific c’est le moyen de combattre, dont je dispose pour ne pas être enfermée, tenue éloignée de mes engagements. Prendre part à la vie d’une cité, d’un quartier et bien plus, soutenir un territoire à la peine et faire confiance aux initiatives.

Cette détermination citoyenne me permet de me former à des thématiques environnementales, de partager, de réfléchir et de pratiquer l’exercice critique.
Depuis mes postes d’observations professionnels et personnels, j’ai constaté combien j’étais lasse de faire face à des autocraties, à des logiques de répétitions: l’entre-soi, la domination sociale, la domination masculine, la persistance des racismes, alors, j’ai commencé à dessiner #sitespecific, en 2018, à partir de ces verbes d’actions:
- Affirmer que les citoyens habitants ne sont plus des usagers
- Refuser, de manière catégorique, les jugements de valeur
- Condamner la hiérarchisation des individus
- Insister sur une obligation de facilité d’accès à l’information
- Souligner et valoriser les présences minorées
Ces projets se révèlent être des outils de franchissement de mes propres limites. Ils sont mes mises en ombre et en lumière.
IPL, septembre 2019
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.