Emploi, réception et objectivité

Les parcours professionnels se construisent de manière non linéaire, parfois avec chance et choix, parfois pas. Ils  sont jalonnés tantôt d’emplois rémunérés, de bénévolats, en somme, d’activitation de ressources humaines et temporelles. Suite à mes études en sociologie de la culture et dans le désir de me former à d’autres secteurs, j’ai souhaité réfléchir à une forme d’observation indépendante. C’est donc toujours en recherche active d’emploi mais dans l’envie de valoriser ce temps à la recherche d’autres matières et moyens d’apprendre et de tester que j’ai entrepris la démarche de regarder d’un peu plus près les quartiers et communes de mon environnement proche voire direct.

Site specific

Depuis le début de l’an passé, je travaille à la constitution d’un outil démocratique qui se nomme Site specific  . Ce projet poursuit ses déclinaisons au niveau des territoires de la rive gauche rouennaise. A la fois, de façon très factuel et aussi avec l’étude et l’observation d’une programmation, d’évènement…Il souhaite valoriser des initiatives, en impulser, amener des questions sociétales et environnementales dans le débat public. La cité comme agora où les habitants habiteraient en résistant.

L’article

En décembre dernier, j’ai rédigé un article qui était à comprendre comme un retour d’expérience de visiteur, une pratique de participante à un creathon. Voici l’article que je vous invite vivement à lire: Creathon Social Club Rouen 2019

La proposition d’emploi

En ce même mois de décembre, je reçois une proposition d’emploi à laquelle il est dans mon intérêt d’y répondre. Pour ceux qui ne savent pas, le chômage peut avoir de curieux effet qui conduise indirectement à se dire: c’est toujours mieux de répondre à une proposition d’emploi tout simplement parce qu’elle est faite par le Pôle Emploi lui-même!

Toujours est-il que je prépare ma candidature, met çà jour mon CV et rédige une lettre de motivation afin de donner suite à cette offre qui se définit ainsi: recrutement d’un fab manager. Le lieu de la structure se situe sur ma commune, tout à côté de chez moi, le lieu qui a accueilli ce creathon de la Social Cup édition 2019.

L’avant

Sans avoir de motif explicite, alors que j’ai vu ce lieu émerger et que j’ai rencontré sa directrice des ressources humaines par le passé lors de réunions avec le DATA (projet de tiers lieu culturel à Rouen), je qualifierai la « relation » de distante et d’étrange. Alors qu’à Petit-Quevilly, peu de nouveau lieu prenne place, j’aurai adoré investir cet endroit en tant qu’habitante mais je ne me suis que trop rarement sentie dans l’envie de m’y rendre.

Pourtant, en mars 2018 pour mon exposition à Petit-Quevilly ( du  15 au 31 mars 2018), ODC tome 1, l’ordre des Choses, j’ai organisé deux rallyes photos.

affiche exposition IPL bibliothèque François Truffaut
Affiche expo et présentation du 2ème rallye, IPL, 2018

Le 1er rallye photo, organisé en mars 2018, se nommait « la rue est une mine d’or ». A cette occasion, j’avais organisé une petite présentation découverte du Kaléidoscope (le lieu des Copeaux Numériques) et, avec le groupe, nous y avons réalisé quelques photos. Cette sortie photo était construite sur une structure narrative imposée à savoir l’exploration botanique comme figure temporelle.

Puis, j’ai parlé de ce lieu autour de moi comme le ferait une prescriptrice culturelle. Et enfin, alors que les retours pour cet endroit pouvaient, parfois, sembler mitigés, j’ai participé, avec curiosité, en décembre dernier donc au creathon de la social cup de Rouen.

Après la parution de l’article

Sans me dire que cela pouvait poser problème, puisque une expérience de visiteur et de participante sont des éléments à distinguer d’une mission professionnelle. Selon moi, il s’agit de trois postes d’observation distincts. J’ai envoyé ma candidature au poste de Fabmanager. Je me suis doutée que mon profil pouvait ne pas correspondre car le numérique, parfois, peut sembler paradoxal au slow mouvement. Mais pourquoi pas. Ce n’est pas la première fois que je me lance des défis organisationnels.

La réponse

La réponse que j’obtins de la directrice des ressources humaines fut faite par mail et envoyée le 21 janvier (aujourd’hui). J’ai été tout d’abord choquée de lire ceci puis je me suis demandée comment réagir.

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capture d’écran de la réponse par mail de la structure

De nombreux points de détails me posent grandement question. Le ressenti premier qui est le mien tient en une confusion entre personnelle et professionnelle avec un certain manque d’objectivité. Je lis des mots qui retiennent très rapidement mon attention, tout d’abord: posture et relations interpersonnelles. De quelle posture peut-il bien s’agir ?

Au même titre que « bonne chance pour votre recherche d’emploi et vos relations interpersonnelles », je me suis dit, je suis en train de lire un message à caractère discriminant. Une volonté claire de blesser m’est donnée à comprendre.

Pour rappel, le Pôle Emploi a signé une charte visant à lutter contre les discriminations faites à l’emploi pour l’égalité qui fait état de 7 points dont la garantie de l’objectivité des recrutements.

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Ce matin, j’ai réagi, sans nommer ni la structure ni la personne car je ne cherche pas le conflit mais étais seulement écœurée. En tant que militante pour la présence des tiers lieu sur le territoire, en tant que personne ayant travaillé pendant deux années sur la question des publics des structures et notamment à l’aune de leur diversification, enfin, comme étudiante dont une partie de la soutenance de mémoire portait sur les vases clos et les logiques d’entre soi…

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Publication FB du 21 janvier 2020 depuis mon compte personnel

Dans un second temps, j’ai réagi en tant que demandeur d’emploi et ai ensuite transféré ce mail de réponse à ma conseillère Pôle Emploi.

Ce courrier a produit une succession d’effets, il a touché mes multiples. C’est en tant que femme, alors que j’ai travaillé sur la notion de la place de la femme dans l’espace public avec des questions sur la solidarité, la sororité…Je me suis sentie profondément ahurie d’avoir sous mes yeux un message aussi problématique écrit par une femme pour une femme.

De plus, la dénomination « mademoiselle », alors que cette dernière a disparu des formulaires administratifs depuis 2012, m’a intrigué.

« Matignon invite donc les ministres concernés et les préfets à « donner instruction » aux administrations « d’éliminer autant que possible de leurs formulaires et correspondances les termes ‘mademoiselle, nom de jeune fille, nom patronymique, nom d’épouse et nom d’époux' ». Ils seront remplacés par « madame », « pris comme l’équivalent de ‘monsieur’ pour les hommes, qui ne préjuge pas du statut marital de ces derniers », par « nom de famille » (dans le Code civil depuis une loi de 2002) et par « nom d’usage » car les termes « nom d’époux » et « nom d’épouse » ne permettent pas « de tenir compte de manière adéquate de la situation des personnes veuves ou divorcées ayant conservé (…) le nom de leur conjoint ».Source journal Le Monde

Je l’ai d’abord perçu comme une formulation obsolète puis me suis posée la question de sa recevabilité: N’étais-je pas face à une forme de discrimination à l’encontre des femmes ? Je questionne depuis de nombreuses années cette question de la domination masculine et il est vrai que de lire mademoiselle avant mon nom de famille m’a de suite fait penser à ces formes de discriminations entre hommes et femmes et j’irai plus loin eu égard au genre lui -même.

Après, alors que j’ai parlé autour de moi de ce message, je comprends, désormais, qu’il choque et interpelle beaucoup de monde, soulignant son manque de professionnalisme et son indignité par rapport à la profession de la signataire: directrice des ressources humaines.

 

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