Après avoir vécu un sérieux problème de système informatique, les éléments, matériaux de mes dispositifs se sont mis à flancher.
Allais-je continuer de produire, numériquement, du contenu si le sérieux présent sur mon ordinateur pouvait être amené à disparaitre, d’un trait, suite à une avarie technique aussi basique ?
Il suffit d’une panne générale pour mesurer combien nos données chiffrées, nos images et dossiers de travail sont vulnérables. Si l’absence de sauvegarde fut ma première erreur, la fragilité de ce biotope électronique me parut plus flagrante que jamais.
A tel point que l’image numérique me semble, aujourd’hui, quasi obsolète pour ma pratique photographique, rien ne vaudrait mieux que le papier, que l’argentique…?
Ce récent dommage a révoqué quelques concepts.
-En un, à quoi bon poursuivre ?
-En deux, trouver c’est aussi chercher, la photographie ne me satisfait plus pour ce qui est de créer, alors…
-Et puis, la technique, qu’est-ce c’est ?
Un retour en forme de glas pour ce qui répond au consumérisme. Le surplus, quasi militaire, d’images, la superproduction de celles-ci, polluantes qui plus est, sur les réseaux, par exemple, m’endort encore. La popularité, la justesse, le point commun, je ne sais si cette vague Instagram ne me donne pas davantage la nausée.
A chaque fois que je me suis trouvée sur cet océan poubelle mirifique à la fois, mes caisses à savon, barques et autres embarcation de fortune tiennent, rarement, la route, je file, je dépose, puis je largue les amarres, délestée de ces bouées-là. Trop de calibrages par ici, je n’ai plus envie de jouer.
J’entends l’utilité, la praticité de l’outil, pour Vayres à Soi, je pose, ici et là, le mot dièse Vayres, ce doux nom de village, propice au jeu de mot sonore, qui accueillit mon exode urbain, histoire de lui donner un peu de voix. Loin de s’égosiller, les vocalises de cette association s’essaie encore, tel un épisode test.
La biodiversité de ma campagne, du jardin, des rues du village aux champs, est la seule à avoir les honneurs. Selfie s’abstenir, les patrimoines faunistiques, floristiques font figure de personnages principaux histoire de remettre mes pendules humaines, à l’heure.
Ce dysfonctionnement informatique a donc apporté, dans ses bras galants, de fort bonnes interrogations.
La photographie, comme pratique artistique trouve-t-elle encore grâce à mes yeux ? (Un retour à l’argentique me dérange d’un point de vue environnemental).
Pourquoi ne pas entreprendre une discipline manuelle ? Picturale mais manuelle ?
Est-ce la fin de ma phase immersive ?
Il en va de même pour cette question d’emploi. Pourquoi me tourner vers le secteur culturel, à nouveau ? Il paie mal et peut s’avérer frustrant. L’indépendance reste mon ADN, ne pas dépendre, ou le minimum, je ne connais pas et, n’en ai guère envie, les logiques d’intérêt et de calcul, ai été, très rarement opportuniste, l’appât du gain n’a pas motivé mes jours, encore moins, mes nuits.
Ce n’est pas cette fausse sécurité que j’ai privilégié mais bien ma liberté d’agir et de mouvement, d’aimer qui et quoi lorsqu’il en résulte une belle émotion, qui l’ont, systématiquement, emporté.
Vision épurée, loin des apparences, le retour à la terre s’est accompagné de calme mais aussi d’intenses séquences d’observation.
Les rêves sont plus flagrants ici, la disponibilité intuitive, également. Si bien que je communique avec des êtres oublieux de l’excuse, parfois mal nourris en estime d’eux-mêmes, quelques êtres humains égarés…
Le phasage ne se fait pas de manière naturelle, dans le sens immédiat, et puis il y a tous les parasitages, outre les problèmes techniques du type financier, qui subsistent. Les mauvaises énergies, les connexions lentes, autrui et ses engagement/dégagement qui peine à viser juste sans gaspillage d’énergie.
Pour quiconque qui aime le travail bien fait, les relations saines, la campagne peut, parfois, créer davantage de crises. Mes yeux se baladent, ils flânent et dans cette errance agréable, ils ne résistent pas à la tentation de se fermer pour ne plus voir. Ne plus être complice d’un étalage, d’un gâchis, d’une maltraitance florale, animale et humaine.
Une vie de village ne tient pas en une vie d’oubli où nous serions déconnectés de nos problèmes arrières. Ils restent cette barricade difficile à franchir, le frein au déplacement, ici, est grand, la spontanéité ne peut se targuer d’être reine, les gens peuvent être lassants d’immobilisme ou de répétition.
Le théâtre, enraciné, jusqu’aux os, fait ce qu’il peut pour distribuer ses rôles, ses cartes à jouer/à gratter, les rôles de composition, la surexploitation des dominations genrées, sexuelles, sociales, professionnelles va bon train.
Sans avoir envie de prouver, on a beau être, les racines de bien des problèmes relationnels tiennent en des lectures vaines: la comparaison, la ressemblance, la jalousie, la rivalité, les clans… La folle envie de se tenir à l’écart, éloignée, se veut puissante. Merci de ne pas tenter de faire obstacle.
La Nature offre de bien meilleurs spectacles, visages, lectures, plus intellectuels, philosophiques que n’importe lequel de ces protagonistes.
Restent des images hors du temps, que je retrouve sur mon ordi au nouveau cerveau. Son disque dur neuf et sa sauvegarde m’envoient quelques vieilleries que j’ai eu envie de partager, question de conscience.
Rien de neuf au balcon, des lieux désuets, des machines aux supers pouvoirs, des airs distingués d’allées vides, des chaises dépourvues de corps. Voilà ce que pourrait représenter, dans l’inconscient collectif et, pas que, la Campagne.
Vide, car évidée de ses services et de ses habitants, à la peine question recrutement et nouvelles énergies, pourtant, la biodiversité trouve, ici, sa place de numéro un!
Non, la campagne ce n’est pas ringard, ce n’est pas vieux jeu, à la ramasse, à la traine, vintage en diable, oui, les dotations aux communes engendrent de très grandes disparités et précarités, les communes de France ne sont pas libres et égales en droit.
Une refonte structurelle se doit d’être impulsée, sortir de cette culture managériale verticale, quitter les classements, les échelons qui font subir à la campagne une image peu reluisante de dernière de la classe, un peu honteuse malgré le fait que cela ne soit pas son lot d’être un cancre.
Elle n’a parfois même rien demandé, je suis sidérée que l’on s’étonne encore de la montée de extrêmes au cœur de ces territoires maltraités. Que nous reste-t-il ? Sans médecin, tout à côté, sans lieu de vie pour nous rencontrer ? J’entends cela, quasiment, chaque jour.
La profonde stupidité de cette errance concurrence a fini de creuser la tombe de certaines, la navrante attractivité sur fond de n’importe quoi a enlisé, ensablé, les plus fragiles, à l’instar de ces habitants, en grande souffrance, question isolement et image…La covid n’a cessé de martyriser les lieux commerçants de ces rues/routes de petites villes et villages.
Oui, ici, nous avons des routes déguisées en rues, des départementales qui prennent d’autres appellations mais qui restent la place forte des voitures, camions et un lieu de lèse-majesté pour les vélos, piétons…Histoire en plus d’enlaidir et de produire davantage de pollution, cela crée de l’incivisme et du danger.
Nos rues/routes sont quasi monocordes, déshumanisées est-ce normal ?
Ne nous habituons plus à ces normalités.
Nous aimerions ne plus faire partie de ces hiérarchies régionales, touristiques et sociales, ne plus reproduire ce scandale de la méritocratie alors même que l’égalité de l’accès aux soins, à la culture, aux sports n’est pas même respectée.
La campagne n’est pas un sanctuaire, elle ne peut se réduire à un filet d’intérêt patrimonial à la limite du décor, alors même que c’est ici que se joue la plus grande bataille des Sols et de la Biodiversité.
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///Les photographies de cette Bibliothèque Universitaire Sciences et Techniques située sur le campus de Mont-Saint-Aignan s’inscrivaient dans un travail de recherches pour une exposition, en 2018, avec le soutien de Résitech.
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